Le froid creuse ma peau. Chacune de mes expirations esquisse un nuage. La nature a mis son pelage blanc. Le ciel lumineux a perdu ses couleurs. Les bruits sont asphyxiés par l'atmosphère oppressant du recueillement. Seul un couple de corbeau croasse au loin.
Mes pas me conduisent à l'entrée du cimetière. Ils laissent une trace intemporelle dans la neige.
J'ai le coeur lourd !
La grille grince. Après un grand soupire, j'entre !
Les tombes sont recouvertes d'un épais tapis hivernal.
Je parcours les allées en regardant les inscriptions. Des souvenirs et pensées me reviennent à la lecture de certains noms. Je m'arrête pour méditer devant d'autres. Je vois trop de mes anciens amis gisant ici.
Un nom retient mon attention. C'est l'objet de ma venue. Je décharge mon fardeau, dégage la neige et creuse le sol gelé. La saison n'y est pas favorable, mais la force qui émanait de l'homme gisant ici aidera ce jeune chêne à survivre au froid puis résister à l'éternité.
Mes membres me brulent ! Un rayon de lumière perce les nuages et vient éclairer une cicatrice dans la neige plus loin dans le cimetière. A la lecture du nom, je tressaille ! Je me souviens maintenant : le bucher ...
Aristote fait bien les choses : il a prévenu son guide ... Quelque chose d'irrésistible m'attire à l'intérieur du rayon. Je pénètre !
Il fait doux. La vitesse des nuages s'accroit. Les perce-neiges crèvent la surface blanche. La neige commence à fondre. J’entends, au loin, la rivière s'éclaircir la voix. Les oiseaux se remettent à chanter. Les plantes éclatent de milles couleurs. Le vert domine la Forêt. Et puis, le ciel redevient grisaille. Les feuilles des arbres jaunissent et se détachent. Déjà, la neige commence à tomber ...
Les cycles de la vie terrestre s'enchainent, intemporels, à une vitesse frénétique. Je ne sais pourquoi, je suis bien ! J'ai finit ce que je devais faire avant de partir. Plus rien ne me retient dans ce royaume.