Chez l'Homme_des_bois, n°104

Décidémment, c'était pas le bon soir. HDB n'était point chez lui. Il devait peut être patrouiller dans les rues de la ville... Il lui laissa ce mot qu'il glissa sous la porte.

Citation :

Mon Ami,
Chevalier du Bouchon, vous ne déméritez point de cet honneur. Mais il me semble que vous perdassiez le geste. Combien de bouteilles avez vous ouverts depuis le dernier cours ? Ne faiblissez point !
Si vous manquez de munitions, faites le moi savoir.
A bientôt vous voir ou vous encontrer.
Votre indéfectible ami, Jelubir

Jelubir, trainant son spleen en ce pluvieux dimanche soir, alla frapper à la porte de son bon ami HDB. Il souhaitait ouvrir quelques bouteilles afin d'améliorer son coup de main, sans porter préjudice aux convives...
HDB n'était point chez lui. Il déposa un carton sur le pas de sa porte avec ce petit mot :

Citation :

Mon ami,
L'Ordre de la Chevalerie du Bouchon doit se remettre en ordre de bataille ! L'entraînement évite que les médailles de bravoure ne rouillent ! Ces quelques bouteilles donc pour vous perfectionner. J'aurai aimé vous prodiguer quelque cours de maniement de la bouteille. Ce sera pour une autre fois!
Jelubir; Maitre de Chevalerie de l'Ordre du Bouchon

Mentaïg s'éveilla, le coeur battant à tout rompre, en pleine panique.
Etouffant à deux mains le cri qui lui montait aux lèvres, elle s'assit et regarda autour d'elle, s'efforçant de repousser les images terrifiantes de son passé. Elle se trouvait sur un lit inconnu, dans une chambre inconnue. Elle se souvenait de s'être endormie d'épuisement à la taverne. S'y trouvait-elle encore ?
Elle s’assit dans le plus grand silence, écarta les courtines… et reconnut aussitôt la pièce, où elle n’était pourtant venue qu’une fois.
« HdB ! »
Mais où était-il ? Elle sortit sur le seuil. Il était là, assis sur le banc de pierre, le dos appuyé au mur de la maison.
Furieuse contre elle-même pour ne s’être pas éveillée plus tôt, elle s’assit près de lui et prit dans les siennes une main glacée.
« Bonjour, mon âme. »

HdB n'avait pas trop senti le froid de la nuit, mais une caresse sur sa main et la voix de Mentaïg l'éveillèrent d'un seul coup

Ah ma douce, vous êtes réveillée! Je.... je veillais en attendant votre réveil. Vous étiez tellement épuisée hier!

Avez vous mangé ce matin? Non, et bien allons y!

Ils entrèrent dans la demeure pour y partager un bon repas

C'était la première fois qu'ils prenaient un repas seul à seule. Ils ne parlaient pas, tout au bonheur de partager.
Mentaïg aurait voulu que ce moment durât toujours, dans la sérénité du matin. Elle savourait chaque miette, chaque instant, sourire au coeur et aux lèvres.

Il semblait à Mentaïg que jamais elle n'avait connu journée plus épuisante. Elle avait - enfin ! - pu laisser monter à ses lèvres une partie de ce que, depuis des mois, elle retenait en elle, et qui l'épuisait et l'empêchait de vivre.
En cheminant depuis la taverne avec HdB, elle écoutait son rire heureux et, dans sa tête, les mots échangés un peu plus tôt.
Ils arrivèrent devant le 104, et Mentaïg retrouva sa gravité. Elle s'arrêta sur le seuil, le visage levé vers HdB, dans l'attente.

HdB sourit devant la moue de Mentaig. Il la saisie par le torse et les jambes et la porta à l'intérieur de sa demeure, formalisant ainsi les paroles échangées plus tot.

Ma douce, ce logis est plus que jamais le votre

Ils burent ensemble une tisane, puis, épuisés par une journée aussi spéciales, se dirigèrenet vers le lit

Mentaïg s'y glissa la première, et tendit la main à HdB, qui saisit aussitôt l'injonction muette.
Les courtines se refermèrent ...

Au goût de terre qu'elle avait dans la bouche, Mentaïg reconnut qu'elle n'avait pas dormi deux heures.
Sans un bruit, elle écarta les courtines, se glissa hors du lit, vint s'asseoir devant l'âtre où quelques braises se discernaient encore sous la cendre. Envahie par une lassitude qui ne devait pas grand chose au manque de sommeil, elle tenta de mettre de l'ordre dans ses idées, en vain. Un regard coupable vers les courtines, dans l'angle de la pièce. Elle s'habilla en hâte. Une phrase griffonnée à la hâte.

Citation :

Ne vous inquiétez pas, mon âme.

Sur la pointe des pieds, elle se dirigea vers la porte.
Un dernier regard dans l'obscurité, une oreille tendue vers la cloche qui sonnait mâtines.
Elle sortit de la maison.

Alors que le ciel blanchissait à peine à l'horizon Est, une petite silhouette transie se présenta à la porte du n° 104.
Mentaïg poussa le battant, qui ne résista pas, et s'approcha à tâtons de la cheminée. Elle se laissa glisser au sol, glacée jusqu'aux os. Du lit lui parvenait la respiration d'un dormeur agité. Terrassée par l'émotion, elle sombra dans le sommeil.

Sortant à demi d’un sommeil qui ne la reposait pas, Mentaïg éprouva les sueurs froides trop familières et s’immobilisa, sur la défensive. Puis elle sentit contre sa main la chaleur d’une paume, et se détendit, immédiatement rassurée, pour s’assoupir et prendre enfin un peu de repos.
Elle ne s’éveilla tout à fait que tard dans l’après-midi. HdB était toujours près d’elle, et en ouvrant les yeux ce fut son regard soucieux qu’elle rencontra tout d’abord. Elle sentit monter des larmes qu’elle refoula aussitôt.
« Je crois que je vous dois des excuses, mon âme, » dit-elle d’un ton plus sec qu’elle n’aurait voulu.

HdB se forca à sourir en voyant Mentaig ouvrir enfin les yeux. Il ne voulait pas laisser transparaitre son inquiétude.
La rudesse de son ton ne le surprit qu' à moitié, il connaissait celà.

Je suis heureux de vous voir ainsi, vous m'avez inquiété.

Mentaïg porta les doigts de HdB à ses lèvres pour atténuer la rudesse de son ton.
"Vous m'en voyez sincèrement désolée, mon âme. Je ... "
Elle se tut et se mit à mordiller ses lèvres.
"Je voulais..."
Elle s'interrompit de nouveau, incapable d'exprimer en mots ce qu'elle était allée chercher au cours des deux journées précédentes.

Sentant l'émotion et la douleur masquée de Mentaig, HdB la serra dans es bras

Calmez vous ma douce, si je ne sais pas tout, au moins je vous comprends

Mentaïg s'abandonna aux bras de HdB.
Comme tout aurait été facile, s'il n'y avait pas eu ces événements des mois passés ! Elle devait s'efforcer de vivre dans le présent, et d'oublier.