Chez l'Homme_des_bois, n°104

Répondant à l'invitation de Mentaïg, Ysabeau frappa à la porte du 104.
Mentaïg ? tu es là ?

HDB sort la tête par la fenêtre

Bonjour Ysa, Mentaig est absente pour le moment, mais ne devrait pas tarder à passer dans le coin. Entre un instant si tu veux, nous l'attendrons!

Encore une très - trop - longue journée.
En rentrant, à la nuit tombée, de la forêt, Mentaïg était passée devant la Sancerroise et, apercevant par la fenêtre des têtes inconnues, était entrée, au cas où quelque vagabond aurait eu besoin de renseignements. Bragon y était en pleine discussion avec un noble voyageur, dont elle n'avait pas retenu le nom. L'ambiance semblait tendue. Une réponse à la vagabonde, une question à Aryan, Bragon qui lui murmurait à l'oreille que l'armée était mobilisée, ... et puis plus rien.
Les portiers avaient mis tout le monde à la porte.
En se débattant pour échapper à leur poigne, Mentaïg perdit de vue Aryan et Bragon, expulsés eux aussi.

"L'armée ? Mobilisée ? Mais... HdB !"

Elle se précipita au pigeonnier, puis au mésangier, à la recherche d'un message de HdB. Rien.
Elle courut chez eux.
Ysabeau était manifestement passée. Le parfum subtil dont elle usait flottait encore à l'entrée. Mais de HdB, point.
Il faisait nuit noire. La jeune femme alluma une chandelle qu'elle leva bien haut au-dessus de sa tête, à la recherche d'un quelconque parchemin. En vain.
Elle ne comprenait plus.

"Mais qu'est-ce qui a bien pu se passer ?"

Elle aurait pu courir les rues de Sancerre, chercher Maleus, Jelubir, Saya, Hugo, d'autres encore, mais un obscur instinct la retenait au 104.
Elle ne put se résoudre à se coucher. Elle ressentait au tréfonds des entrailles un vide tel qu'elle sentit monter la nausée. Des sueurs froides la parcouraient.

"Je ne veux pas. Je ne veux pas..."

La chandelle, en lui échappant des mains, s'éteignit. Et malgré ses efforts, la panique la submergea. Comme un petit animal blessé, elle se réfugia dans l'angle le plus éloigné de la maison, se recroquevilla et ne bougea plus. Ses yeux grands ouverts se fixèrent sur la porte.

La nuit s'écoula, sans qu'il se passe rien.
Alors que l'aube teintait de gris l'horizon est, Mentaïg, toujours recroquevillée dans son coin, dut s'assoupir un peu.
Elle fut tirée de sa torpeur par un froissement du côté de la porte. Il faisait presque jour. Elle puisa dans son énergie pour se relever, toute ankylosée. Parcourues de désagréables fourmillements, ses jambes la portaient à peine. Les yeux agrandis par la crainte, elle ouvrit la porte d'un coup... pour trouver un pigeon en train de picorer sur le seuil quelque graine oubliée là.
Elle se laissa choir plus qu'elle ne s'accroupit près de l'oiseau, le coeur battant à tout rompre, pleine d'espoir. Les doigts tremblants, elle détacha le parchemin, le déroula.

Citation :

Bonjour Mentaig,
Je navigue un peu dans le village et ne possède pas encore tous mes repères .....
.....
Perrac

Un vagabond en quête d'un peu d'aide. Le parchemin échappa aux doigts de la jeune femme. Ses lèvres desséchées par la mauvaise nuit formèrent un nom silencieux. Elle resta quelques minutes agenouillée sur le seuil, à caresser distraitement le pigeon qui roucoulait à ses côtés.
Ce furent le contact du fin duvet sur la gorge palpitante de l'animal et une saute de vent manquant d'emporter le parchemin qui la firent se relever soudain. Son mouvement brusque effraya l'oiseau : offusqué, il s'envola sur le toit."Si HdB me voyait ..."

Oui, si HdB la voyait dans cet état ; s'il la voyait jetant au vent la demande d'aide d'un vagabond ; s'il la voyait attendre que les heures passent au lieu de vaquer au ménage, de nourrir ses moutons, de chercher un emploi, de récupérer le registre du recensement, d'écrire son rapport à Dame Ysabeau ; s'il la voyait se morfondre et se lamenter sur son sort au lieu de vivre, et d'agir...

"Bouge, Mentaïg !"

Elle chassa à grandes ablutions d'eau froide les derniers restes de panique.

"Il va revenir. Il va m'expliquer ce qui se passe. Il faut juste que j'attende..."

Même la forêt ne parvint pas à calmer les nerfs à vif de Mentaïg. Elle avait bien compris, en discutant avec les uns et les autres, que la mobilisation en cours était présentée comme une série de grandes manoeuvres. Mais elle sentait confusément que quelque chose lui échappait.
Les jeunes rameaux qui osaient s'aventurer au ras des sentiers firent les frais de sa confusion. Elle marchait en cassant les brindilles, le regard à deux pas devant elle, émiettait machinalement les bourgeons, délignait les rameaux.

Tant pis, je rentre.

Elle reprit la route de Sancerre, le nez baissé, traversa le village sans voir les personnes qu'elle croisait.
Elle poussa la porte de la maison.

HdB !

Il était là, assis à sa place au bout de la table, la tête sur ses bras croisés. Il bougea un peu à son appel, mais sans s'éveiller.

Mon âme ! Mais où étiez-vous passé ?

Elle tira son escabeau à côté de lui, s'assit à ses côtés, la tête contre son bras. Enfin il était là !

HDB ouvrit un oeil auquel l'adjectif de vitreux allait comme un gant

Ma douce, je suis désolé murmura t'il d'une voix pateuse

J'ai passé bien plus de temps que je ne l'aurais cru sur certains dossiers et je me suis assoupi dessus, pour une nuit fort courte et bien peu reposante.

J'espère ne vous avoir pas causé trop d'inquiètude, je suis impardonnable de ne pas vous avoir fait prévenir.

HDB, qui semble recouvrer ses esprits, embrasse tendrement Mentaig

Impardonnable, certes il l'était !
Mais un oeil vitreux, une voix pâteuse et un baiser si tendre...
Mentaïg ne put s'empêcher de sourire, et de mettre les bras autour du cou de HdB.

"Impardonné, mon âme, je crois bien que vous ne le serez jamais par moi"

Elle lui rendit son baiser, heureuse, soulagée.

"Allons donc au bal du Nouvel An, mon âme ! J'ai reçu une invitation de Dame Jazzette. Danser vous reposera !"

HDB sourit à l'invitation de Mentaïg

Voilà une idée excellente, j'espère toutefois ne pas trop écraser vos pieds, je manque vraiment de pratique en danse,. Mais il est vrai qu'avec vous, tout devient si facile.

Il embrassa à nouveau Mentaig et alla se vêtir pour le bal.

Mentaïg sortit du coffre la seule robe qu'elle avait pu garder de sa vie d'avant Sancerre, et s'empressa de la revêtir. La mode en était passée depuis deux longues années, mais elle savait que ce vêtement lui allait bien.
Puis elle demanda l'aide de HdB pour brosser et natter ses cheveux.

Consentirez-vous, mon âme, à me servir de chambrière ?

Elle lui tendit la brosse, l'oeil pétillant.

HDB prit la brosse, l'air géné. Il avait souvent vu Mentaig brosser ses cheveux mais manquait pour sa part d'expérience. Il fit de son mieux, redoutant de tirer les cheveux trop fort et de faire mal à Mentaig.

Prevenez moi si je vous blesse, je crains fort de manquer d'expérience sur ces choses là!

Mais Mentaïg était trop heureuse pour sentir les légers (????) tiraillements que HdB infligeait à son cuir chevelu. D'ailleurs, dans "cuir chevelu", il y a "cuir". Et comme chacun sait, le cuir, c'est solide !
Elle acheva néanmoins elle-même le travail bien commencé par sa chambrière improvisée, et se déclara fin prête.
Elle se recula un peu pour considérer HdB de la tête aux pieds.

Mon âme, vous êtes magnifique !

Entendant à peine le compliement, HDB se perdit dans la contemplation de Mentaig, qui était absolument divine ainsi coiffée et vêtue

Vous êtes superbe, au delà de ce que les mots peuvent exprimer, j'en reste sans voix

Il prit alors le bras de Mentaig et tous deux partirent en direction des festivités

Les yeux encore brillants de l'ivresse du bal, serrés l'un contre l'autre, les deux jeunes gens firent retour vers le 104.
Ils se bousculèrent pour passer la porte, heureux comme des enfants.
Mutine, Mentaïg demanda :

"Serez-vous encore ma chambrière, mon âme ? Jamais je ne parviendrai à délacer seule cette robe."

Entendant la question de Mentaig, HDB rougit jusqu'aux oreilles, un peu à cause de la poire et beaucoup parce qu'il trouvait Mentaig vraiment charmante ce soir. Il s'executa et aida sa douce à délacer sa robe. Il lui prit la main et l'embrassa tendrement

Je vous aime ma douce.

Mentaïg rendit à HdB son baiser, avec usure. Lui aussi, il était charmant, dans les tons de carmin et de vermillon ! La poire, peut-être ?

"Le rouge vous va bien, mon âme !"

Eclatant de rire, elle échappa à son étreinte et se réfugia à l'abri des courtines, où il la rejoignit illico.
Les rideaux se refermèrent.

Mentaïg s'étourdissait de travail.
L'absence, le vide...
Et la colère qui revenait, insidieuse, qui s'infiltrait dans le vide.
Elle en était consciente, et refusait de s'y laisser aller. Elle ne savait que trop bien à quel point la colère peut tout détruire, à quel point elle peut ronger de l'intérieur tout ce qu'il y a de bon.
Elle luttait.
Avec ses faibles moyens, elle luttait. Le travail, toujours. S'investir le plus possible à la mairie, à l'ambassade. Faire abstraction des haines qui partout grondaient, empêcher encore et toujours la colère d'influer sur ses décisions, sur ses participations aux débats.

En sentant près d'elle la place vide, dans le lit, elle dut serrer très fort les paupières pour ne pas laisser les larmes couler.
"Je ne sais pas vivre sans lui..."
Une évidence.
Elle ne prit pas le temps de manger, elle ne supportait pas l'idée d'être assise seule à la table, face à un escabeau vide, seule face à ses pensées.
N'aurait-elle pas dû, après tout, s'engager pour pouvoir le suivre ?
"Non !"
Le cri intérieur la terrassa un instant.
Fébrilement, elle sortit plumes et parchemins, rédigea 65 lettres, les adressa à 65 des 73 maraîchers de Sancerre. Les huit autres étaient ailleurs, sur les routes ou à l'armée. On verrait plus tard. Elle équipa les pigeons, attendit leur retour en nettoyant à fond le pigeonnier, les renvoya vers d'autres destinations, classa soigneusement les réponses quand il y en avait...
13 maraîchers étaient en retraite. Le nombre la surprit fort désagréablement, d'autant plus qu'il s'agit pour la plupart de vieux Sancerrois. Devait-elle en déduire que la lassitude de vivre qu'elle sentait monter était partagée ?
Messire Segaldaf était mort et enterré, Meian se mourait... Nul ne s'en était aperçu, semblait-il. Elle écrasa rageusement une larme, courut au champ de Its_me pour semer le blé.
S'occuper, combler le vide à coups de gestes peut-être inutiles...
A l'horizon de l'ouest, de légères nuées apparaissaient. Le chaud soleil de ces derniers jours ne durerait plus bien longtemps. La pluie qui s'annonçait présageait-elle des jours sombres, ou signifiait-elle le renouveau ?

Sur l'heure de midi, Mentaïg rentra au 104, dans l'attente d'un signe. Elle avait acheté du pain en passant, et le posa sur la table, sans y toucher. Rien ne lui faisait envie. La seule faim qu'elle éprouvât était celle du regard de HdB, de sa chaleur, de son sourire.
Elle s'assit au bout de la table, sur l'escabeau qu'il utilisait, les yeux dans le vague.
Un pigeon !
Elle en avait tellement reçu, ce matin-là, en provenance des maraîchers, qu'elle ne se leva qu'avec le sentiment d'accomplir un devoir, sans joie.
"HdB !..."
Elle reconnut l'oiseau à son vol un peu trop lourd : celui-là venait de loin.
Elle lut et relut avidement le message. Du vide en réponse au vide. HdB aussi se ressentait durement de la séparation. Absurde ! C'était tellement absurde !
C'est ce qu'elle écrivit dans la réponse dont elle chargea immédiatement un de ses plus jeunes pigeons, des plus fringants, capable de faire un vol un peu long sans tomber de fatigue.
Elle le regarda tourner un moment au-dessus du clocher de St-Jean, puis prendre sans plus d'hésitation la direction de Bourges. Elle le suivit des yeux, jusqu'à ce qu'il disparaisse. Un dernier coup d'oeil sur la miche de pain toute fraîche, qui fleurait bon le fournil. La seule idée d'en manger lui leva le coeur, et elle reprit la route de la mairie, pour réparer le registre et procéder au recensement.

Elle avait cru pouvoir oublier, le temps du recensement.
Mais, malencontreusement, le registre s'était ouvert à la page où eût dû figurer le nom de HdB. Et il n'y était pas.
Mentaïg acheva sa tâche, transmit une copie à ses collègues, et revint au 104. Il y avait du monde en taverne, mais elle n'avait pas envie d'entrer. Pour quoi faire ? Présenter à des gens heureux un visage de marbre, aux yeux cernés par le manque de sommeil ? Rester assise sans rien dire au milieu des plaisanteries ?
Le clocher de St-Jean sonna le début des vêpres, et Mentaïg leva machinalement la tête.
Le pigeon ! Le jeune pigeon auquel elle avait confié sa réponse tournoyait, cherchait son pigeonnier. Elle hâta le pas, et arriva juste à temps pour recueillir la bête épuisée.

Citation :

Votre pigeon vous revient, chargé de la bonne nouvelle, je serais à Sancerre demain, à l'aube.

"Demain. Il sera là demain ! "
Encore 12 longues heures à attendre. L'angoisse la saisit.
"Et s'il lui arrivait quelque chose ? Il ne peut pas prendre par les bois, il a ses hommes avec lui. Et si..."
Travailler. Travailler encore et encore. Voir Dame Jazzette, Messire Hugo. Répondre à Messire Gilberg. Echangez quelques mésanges aux ailes lourdes de fiel avec Maleus, qui n'en pouvait mais. Classer les réponses des maraîchers. Les avertir d'attendre l'arrêté municipal.
Travailler...

Il faisait encore sombre quand HDB quitta ses compagnons de route avant de rentrer enfin chez lui. Il entra silencieusement dans la maison et trouva Mentaig appuyée contre la cheminée, les yeux rougis par le manque de sommeil et sans doute quelques larmes.

Je suis là ma douce

murmura t'il d'une voix douce. Il la prit dans ses bras et l'enlaca longuement

"Vous êtes là..."

Malgré toutes les précautions que prenait HdB, Mentaïg avait reconnu son pas. Par superstition, elle n'osa bouger avant qu'il ne la relève pour la prendre dans ses bras.
Comme par magie, le vide disparut. Blottie dans ses bras, elle s'émerveilla de retrouver cette plénitude qui l'habitait quand ils étaient ensemble.

"Vous êtes enfin là, mon âme !"

Envolés les doutes, la colère, le sentiment poignant de sa propre inutilité ; envolé aussi le vide ... et revenus la faim, et le besoin de dormir !
La miche achetée la veille et délaissée connut un sort peu enviable sous les dents des deux jeunes gens qui, à défaut de se repaître du regard de l'autre, dévorèrent le pain sans cesser un instant de se contempler.

"Je vous aime, au-delà de tout."

Les habitants de Sancerre reçurent une lettre envoyée par le maire...

Citation :

Mes chers concitoyens,

Une terrible épidémie de consomption vient de s'abbatre sur le Berry. Le duc vient de m'envoyer tous les détails, et cela n'a rien d'encourageant. Je vous demande instammant de faire le test afin de savoir si vous êtes contaminés. Je vous invite à vous informer très rapidement de vostre etat de Santé, car l'épidémie doit à tout prix être endiguée. Les malades seront redirigés par les sergents de police et les infirmières vers un campement en dehors du village. Le duché a prévu dans les jours à venir de mettre à disposition des malades un hospice.

Courage,

Hugoruth, Maire de Sancerre

[HRP]Pour savoir si vous êtes atteints, rendez vous ICI Il vous suffit de vous inscrire sur ce forum, puis de suivre les instructions. Si vous êtes atteints, et que vous souhaitez jouer le RP, rendez vous sur la halle de Sancerre où je vais mettre en place le campement de Sancerre.

Bon RP à vous !