Chez Lestourneau, N°73 Place de la Halle

Comment Dame Aryan s'était-elle débrouillée pour lui faire porter les clefs de son logis par un gamin des rues, Lestourneau n'en avait cure, mais en tout cas, il les avait eu, ces clefs !
Il retrouva facilement la maison. Le message pointé sur la porte était toujours là, avec son mystère.

Citation :

...... . .. .ÊTES AU CHATEAU ....DONNER A L’EXTREME ..ESTE DE LA FORET
DE SANCERRE QUI .. ..ROULERA ..JOUR..... .. .. MAR.. .9 JANVIER 1455
VE.EZ NOM...... GRAN. BU..... A VOLON..

SI VOUS ..HAITER .ENIR ..GUISER ET ..MENER VOS .... F...ORI P.UR .ARNIRE LE ...FET

Ana......dor

Il décrocha le message, puisque maintenant, c'était sa maison, et le fourra dans sa poche. Il n'avait toujours pas compris sa signification, mais ce n'était pas sa préoccupation première pour l'instant.
Il n'avait pas encore visité l'intérieur de la maison, et s'attendait à avoir un peu de boulot pour nettoyer et éventuellement rénover un peu, vu le temps d'inoccupation apparent de ce logis.
Il lui fallu s'y reprendre à deux fois pour engager la clef dans la serrure, tant son excitation était grande. Enfin, c'était ouvert!
Et là, en voyant l'intérieur, sa stupeur n'eût d'égale que son incompréhension. Pas une bonne affaire, ce logis : dans le peu de lumière qui passait par la porte, il pu voir qu'une partie du plancher de la salle commune était effondré, et un trou béant sur le coté laissait voir une partie de la cave. "Ah ben mon talon ! c'est pas ce soir que je vais emménager là-dedans."
Découragé, il repris le chemin de sa bicoque provisoire, et décida que la nuit portant conseil, il trouverai bien une solution le lendemain.
Cette nuit-là, il rêva qu'il était charpentier, et que ça l'arrangeait bien pour réparer le plancher de la maison...

Son rapport rendu, les écus transférés dans le bureau du Prévot, son devoir accompli en somme, Ysabeau quitta la Prévôté et, comme promis, se dirigea vers le 73.
Elle entendait derrière la porte comme un bruit de planche qu'on scie, des coups de marteau.
Gilles lui avait dit la veille que le plancher était défoncé, qu'il allait se mettre à le réparer.
Elle frappa.

Gilles ? C'est moi, Ysabeau. Je viens comme promis visiter votre maison, et vous apporter un peu d'aide. Vous m'entendez ?

Attendant la réponse de Gilles, elle réfléchit. 73,... 73... Place de la Halle, 73... cette maison avait été habitée, dans le passé, dans un passé où Icefly était tavernière du Havre, dans un passé où Bragon était à son Hermitage et Maybee rue de la Poire, ils n'habitaient pas encore "chez eux"... Passé heureux... Oui, le 73 avait été habité par Khylo, le mystérieux Khylo, le tendre Khylo, le délicat Khylo qui aimait à se percher dans une cabane au sein de la forêt, qui aimait la solitude ... et Icefly, qui s'en était allé pour ne plus revenir...

- "Tiens, quelqu'un bricole chez le voisin ?" se dit Lestourneau en entendant des coups de marteau mélés au bruit de la scie qu'il maniait maladroitement. Il s'arreta pour écouter.
- "Je suis stupide, c'est à la porte".
Il posa la scie et s'en fut ouvrir. Elle était là, au seuil de la maison, Dame Ysabeau, qu'il avait rencontré la veille en taverne. Un peu pris de panique, il essaya d'épousseter la sciure qui parsemait ses cheveux et sa tunique, provoquant un nuage de poussière.
- "Dame Ysabeau, bien le bonjour en cette heure matinale. Je serais gené d'accepter votre aide dans des travaux si salissants. Alors par contre, je veux bien que vous m'aidiez à boire cette bouteille de poire, en l'honneur de notre future collaboration au bureau de la douane de Sancerre !. Cela me donnera du coeur à l'ouvrage, pour que je puisse finir ces réparations."
Tout en servant deux verres, il la questionna sur un sujet dont il lui avait déjà parlé :
- "Cette maison, elle a une histoire ? Comment expliquer ce trou, ce message sur la porte ?"

Lestourneau sortit un parchemin de sa poche. D'un coté, il était écrit "Poire, miches de pain". C'était sa liste de courses du matin. "Une liste de courses pour deux sortes d'achat, ça fait un peu nigaud, surtout face aux responsabilités qui l'attendaient plus tard dans son futur boulot à la douane", pensa-t-il. Il retourna prestement le parchemin, et le tendit à Ysabeau.
Ysabeau parcourait le texte inscrit sur le parchemin.
Lestourneau reprit :
- "Euh voilà. Vous voyez, c'est peut-être rien, mais c'est peut-être important aussi. Déjà, la date 9 janvier 1455 inscrite, c'est il y a un an, ou deux ? car moi je m'y perds avec ces dates différentes dans les différents comtés. Car comme on est en 1456 en ce moment ça fait un an et deux mois. Mais si le changement de nouvel an a été fait en 1455, alors ça fait peut être deux. Je vous dit pas la complexité des recherches dans les archives si en plus on change le nom des mois, comme j'ai en entendu parler. Et 1460, ça sera bissextile, ou pas ?"
Lestourneau se rendit compte qu'il bombardait Ysabeau de questions de façon un peu impolie. Il bu un coup de poire pour se donner une contenance, et lui laisser le temps de répondre. Il se dit que peut-être il aurait dû garder cette histoire de parchemin pour lui... et qu'il allait passer pour un fada à se torturer l'esprit de la sorte sur ces histoires de date.

Ysabeau sourit et prit le parchemin qu'elle examina avec soin.

Citation :

...... . .. .ÊTES AU CHATEAU ....DONNER A L’EXTREME ..ESTE DE LA FORET
DE SANCERRE QUI .. ..ROULERA ..JOUR..... .. .. MAR.. .9 JANVIER 1455
VE.EZ NOM...... GRAN. BU..... A VOLON..

SI VOUS ..HAITER .ENIR ..GUISER ET ..MENER VOS .... F...ORI P.UR .ARNIRE LE ...FET

Ana......dor

9 janvier 1455... elle répondit à Lestourneau

9 janvier 1455, c'est il y a un peu plus d'un an, Gilles. Le Berry est toujours resté à l'année de Pâques, c'est une de ses spécificités. Tout le Royaume, à ses débuts, comptait les années à partir de Pâques, puis le Roy a décidé qu'il en serait autrement, mais la population berrichonne a préféré en rester à l'année de Pâques.
Donc, voici un peu plus d'un an... Ah mais... ces fragments de mots me rappellent quelque chose ! Ce mot avait été glissé sous toutes les portes des maisons du village...
A... dor, c'est Anakin Vador, un sancerrois qui depuis s'est exilé à Sait Aignan. Je me souviens... il avait découvert dans la forêt un vieux château abandonné... il nous avait tous invités à une fête dans ce lieu étrange... bien des sancerrois y étaient venus avec victuailles et boissons, la fête avait été belle... Et même...

Elle se tut.

Mais je vous ennuie peut-être avec mes vieux souvenirs ! en tous cas merci pour la poire, cher Gilles, elle est délicieuse.