Chez Mentaïg, au n° 19 rue de la Porte Vieille

Mentaïg s'éveilla fort tard, ce matin-là. Elle n'avait pu empêcher les événements de la veille de prendre, dans ses rêves, les formes les plus déplaisantes, et son sommeil avait été peuplé de sanglants cauchemars, inspirés tant par les propos de ses commensaux que par ses souvenirs de l'Inquisition. En sueur, elle avait à maintes reprises étreint le couteau glissé sous son oreiller.
Elle trouva le message laissé par Dame Ysabeau, et se dit que l'affaire Sanjo et compagnie allait encore ajouter aux soucis du maire. Fort heureusement, elle n'était pas seule pour les affronter.
Il était probablement trop tard pour descendre à la mine. De toutes façons, Mentaïg préférait laisser ce travail aux vagabonds, autant que faire se pouvait. Elle transporta au marché les deux stères de bois coupés la veille, fit l'emplette de deux morceaux de viande, et passa en Mairie se renseigner sur les offres d'emploi.
Puis, pour attendre les résultats de ses demandes, elle rentra accommoder au mieux sa viande, qu'elle mit à mijoter dans la cheminée.

Malgré les rumeurs, elle s'engagea pour la journée dans la maréchaussée. On disait sur la Halle qu'on n'était pas toujours sûr d'y toucher sa solde. Mais Mentaïg avait confiance.
Après une excellente journée passée à attendre une attaque ennemie qui ne vint pas, et pour cause, le duché n'étant en guerre avec personne, la jeune femme se rendit à la taverne. Un des jeunes hurluberlus de la veille s'y donnait en spectacle, s'amusant à se baigner dans l'abreuvoir. Bien triste, tout cela !
Elle changea de taverne pour discuter de façon fort plaisante avec ceux qui étaient en train de devenir des amis. Elle n'était plus certaine du tout d'avoir envie de quitter Sancerre. Peut-être devrait-elle entamer une nouvelle retraite afin d'y réfléchir ? Elle mangea du bout des dents son ragout de mouton.
"Si seulement cette maison n'était pas si grande ! soupira-t-elle. Elle est bien trop grande pour moi seule."
Mais elle se reprit aussitôt :
"Allons ! Regardons les choses du bon côté ! La vie est belle, que diable !"

Ce matin-là, de passage à la mairie pour trouver un emploi, Mentaïg posa par hasard les yeux sur les contrats déjà signés... et crut avoir mal lu : on embauchait à 12 écus ! La jeune femme n'était certes pas très au fait de toutes les lois du duché, mais il lui semblait que ce salaire était beaucoup trop bas pour un travail honnête. Elle postula chez Dame Ysabeau, puis rentra chez elle pour rendre compte au maire, par écrit, de ce qu'elle avait vu.
Les services de la mairie étaient décidément fort bien organisés ! Un pigeon l'attendait déjà, l'informant que sa candidature n'avait pas été retenue. Elle se servit du même ramier pour expédier à Dame Ysabeau la relation de son constat, puis se contraignit au ménage.
"Le temps de cinq chansons, et j'arrête !"
Cela ferai à peu près un quart d'heure. Amplement suffisant pour quelque chose que l'on déteste.
"Me am'eus eur feunteun,
E barzh kornig ma jardin..."
Les notes du vieux chant d'amour brisé s'élevèrent, ponctuées de furieux coups du balai de genêt. Tout le voisinage allait en profiter !
Le pigeon revenait déjà, porteur de la réponse d'Ysabeau. Avec sa diligence habituelle, le maire s'occupait de l'affaire, qui relevait bien de l'esclavagisme.
Du clocher de Saint-Jean retentit le premier coup de la messe dominicale. Mentaïg rangea son balai avec un plaisir non dissimulé, et fit un brin de toilette. Elle avait juste le temps de repasser par la mairie avant d'assister à la messe, où elle prierait Saint Arnvald de l'éclairer sur la décision qu'elle s'était juré de prendre dans la journée : resterait-elle à Sancerre, ou partirait-elle pour St-Brieuc avec Galvane et Joanna ?

Lady avait remarquer que mentaig était passer chez elle mais elle n'était pas la. Elle décida donc de passer chez elle afin de l'inviter a prendre le thé.
Dame Mentaig! Etes vous la?

Joanna passait devant chez Mentaig, elle avait bien reçut son message.
Elle glissa un message à Mentaig.

Citation :

Dame Mentaig,

J'ai bien reçut votre message, ne vous en fait je comprends tout à fait votre choix, il n'est pas évident de quitter un village aussi charmant.
Je vous souhaite une bonne journée et au plaisir de vous revoir en taverne.

Joanna laissa le message sous la porte et retourna à ses occupations.

mathilde glissa un petit mot sous la porte

Citation :

Je voulais vous voir a mon tour mais je crois que nous nous croisons sans jamais nous voir! passer une bonne apres midi.
Mathilde

Mentaïg rentra chez elle fort tard. Elle fut désolée d'avoir manqué Joanna et Mathilde, mais elle n'avait pas l'habitude des durs travaux des champs, et son travail l'avait retenue plus longtemps qu'elle l'aurait voulu.
Elle avait cependant pu voir Galvane et Joanna en taverne, et leur expliquer de vive voix son changement de cap.
Ce fut avec plaisir qu'elle retrouva son lit, sure de se réveiller percluse de courbatures.

Ysabeau glissa un petit mot sous la porte de Mentaig

Citation :

Ma chère Mentaig, je suis fort marrie de vous avoir manqué hier. Mes occupations à la Mairie sont fort astreignantes hélas, et je ne puis consacrer autant de temps que je le voudrais à mes amis. N'hésitez point à me faire signe si vous souhaitez me parler, ou à me laisser un petit message chez moi, j'y répondrai, peut-être pas aussi vite que vous le souhaiteriez, mais j'y répondrai

La première chose que vit Mentaïg en s'éveillant fut le rouleau glissé sous sa porte. Elle y reconnut aussitôt l'écriture de Madame le Maire, et sourit en le lisant. Comment cette dame parvenait-elle à tout mener de front ? Elle avait même le temps de répondre au moindre poulet de ses voisins et amis.
La jeune femme avait la faim au ventre. Il lui restait, au fond de la huche, un morceau de pain tout rassis acheté au marché quelques jours auparavant et oublié là, alors qu'elle se nourrissait de viande en vue du voyage que, finalement, elle n'entreprendrait pas. Elle le mit à tremper dans une marmite d'eau, avec quelques aromates, pendant qu'elle s'habillait en pestant contre ses haillons, et cela fit, ma foi, une soupe fort convenable.
Elle fit un saut jusqu'à son champ. Dans les châssis, les radis levaient déjà. Pour les carottes, il faudrait attendre encore quelques jours. En pleine terre, il restait des bettes, des betteraves, de la mâche, du persil plat, du thym... tout cela était prêt pour la récolte.
Mentaïg se rendit à la mairie pour ses minces tâches quotidiennes : payer ses impôts, déposer une annonce pour la récolte de ses légumes, consulter les offres d'emploi... Cela ne lui prit guère de temps. Elle se résigna donc, en attendant l'embauche, à rentrer faire le ménage en grand, afin de rendre sa maison claire et nette pour une éventuelle crémaillère.

En fait, le grand ménage, dont elle se faisait tout un monde, ne lui prit guère plus d'une heure. Et comme il lui restait un peu de temps avant d'aller ensemencer le champ de maïs de Messire Pantheros, elle se rendit au Havre des Amis dans l'espoir d'y rencontrer Lems.
Par chance, il était présent, et elle passa avec lui un accord qui les satisfit tous deux : un peu des cadeaux de son cheval contre quelques bouteilles de chuféré. Dans la discussion, le tavernier confia à Mentaïg que l'acquisition de ce cheval était une longue histoire. Et comme la jeune femme aimait les histoires et qu'elle avait encore une bonne heure devant elle, elle se rendit incontinent à la Halle, où elle fit l'emplette de l'ouvrage de messire Lems. L'histoire la passionna tant qu'elle la lut d'une traite, au point qu'elle faillit oublier le champ de Pantheros ! Elle s'y précipita, confuse, non sans prendre le loisir de laisser un message chez Lems.

Meian se dirigea chez Mentaig. Il toqua et déposa l'encyclopédie qu'elle lui avait prêté sur le bord d'une fenêtre au cas où elle ne lui ouvrirai pas.

La journée avait été excellente : long labeur chez Pantheros, entrecoupé de pauses fort instructives ; crémaillère très réussie chez Miséri.
Mentaïg avait un peu abusé de l'excellente poire de Sancerre, et elle faillit ne pas voir le livre sur l'appui de fenêtre. Fort heureusement, à l'instant où elle tirait la chevillette, un rayon de lune frappa les ors de la reliure de vélin, et elle s'empressa de ranger le précieux manuscrit.
Une seule ombre au tableau de cette belle journée : elle avait trouvé Maleus bien soucieux. Elle se demandait quelle contrariété le rongeait à ce point. Mais cela ne l'empêcha pas de sombrer bien vite dans le sommeil, aidée qu'elle était par la poire et les semailles.

Mathilde passa sans bruit devant les maisons de sancerre pour s'arreter devant la porte de mentaig. En effet a cette heure ci tous le monde devait dormir. Elle déposa un petit paquet qui contenait des feuilles servant a apaiser les effets secondaires d'une boisson trop bu. La fete chez miseri était bien réussi. Puis elle déposa la notice.

Citation :

Dame mentaig, c'est quelque feuille sont a mettre dans l'eau chaude. Buvez cette eau et les soucis de lendemain de fete seront dissipés.
Mathilde

Alors qu'elle prenait l'air sur le pas de sa porte pour élaborer le bulletin météorologique du jour, Mentaïg trouva le paquet et le message de Mathilde. Comme elle devait se rendre au marché porter ses légumes ramassés la veille, et en mairie pour voir les annonces, elle en profita pour rédiger une réponse et la déposer chez Mathilde.
Elle dut attendre longtemps pour avoir le résultat de ses demandes d'emploi. Une sorte de panique s'était emparée, semblait-il, de tout le royaume, et il était impossible aux employeurs de faire leur choix parmi les candidats aux postes proposés. Mentaïg profita de ce temps mort pour se confectionner un gratin de potiron, en ajoutant aux légumes de son potager de la crème prélevée sur le lait acheté le matin-même. Elle mit le reste du pot dans un coin de la cheminée, comme d'habitude, pour avoir une bonne portion de fromage blanc pour son dîner, et se rendit à son travail chez Messire Xarkhan.

A son retour de la taverne, Mentaïg veilla fort tard. Tout en se tricotant des gants pour s'occuper les mains, elle mit au point les arguments qu'elle utiliserait, le lendemain, pour amener le jeune Pierreloup à résipiscence. Elle doutait d'y parvenir, mais au moins aurait essayé. Ce n'était pas normal que des gens aient envie de quitter de Sancerre - et le Royaume - à cause de comportements inadéquats. Mais la jeune femme n'était pas non plus adepte de la pensée unique, et elle se disait qu'il y avait forcément un moyen de cohabiter.
D'autre part, elle avait beaucoup écouté les conversations au sujet de la surproduction généralisée dans le Royaume, et avait son idée sur la question. Elle alignait les points, les augmentations et les diminutions, suivait le cours de son fil de laine en même temps que celui de ses idées. Oui, il faudrait qu'elle en parle au Maire, ou à un de ses adjoints.
Quand elle se mit au lit, matines sonnaient déjà au clocher de St-Jean, à moins que ce ne fussent laudes.
Du coup, le réveil fut difficile, d'autant plus que la neige était encore tombée pendant la nuit. Mentaïg n'aimait pas la neige, pas plus que le froid sec dont semblaient se délecter la plupart des Sancerrois. La veille, éberluée, elle avait assisté aux pitreries de Lems et Ice à la porte de leur taverne. Elle ne parvenait pas à comprendre le plaisir évident qu'ils avaient pris à glisser - exprès !- et à se rouler dans cette matière mortellement glaciale. Certains parlaient de manteau, quand ils évoquaient la neige, Mentaïg n'y voyait qu'un linceul.
Elle eut donc grand mal à se lever et, si elle trouva au marché tout ce dont elle avait besoin, -poisson et lait-, elle arriva trop tard en mairie pour les offres intéressantes. Tant pis, elle irait à la mine. Au moins, cet endroit-là conservait-il une température à peu près égale d'un bout de l'année à l'autre.
Enfilant les gants tricotés la veille, bien emmitouflée dans sa vieille cape maintes fois reprisée, mais qu'elle ne pouvait encore se permettre de remplacer par un chaud mantel, elle se prépara à affronter les intempéries.

Après une journée que le froid lui rendit pénible, Mentaïg se réfugia à la taverne. Elle était autant à la recherche de chaleur humaine que de chaleur tout court, et ne fut pas déçue.
Hélas, alors qu'elle dégustait la bière offerte par Manulascience, leur parvint la nouvelle que le verdict était tombé dans l'affaire qui opposait Sanjo au duché. Chacun s'accorda à trouver ce verdict bien clément : une journée de prison et 100 écus d'amende seulement ! C'était bien peu pour sanctionner l'inadmissible comportement de ce jeune homme. Justice avait été rendue, mais avec une indulgence que la jeune femme estimait coupable.
Cette nouvelle mit Maleus hors de lui. Furieux, il quitta la taverne sans même prendre le temps de goûter au calva que Manulascience avait spécialement remonté de la cave.
Mentaïg passa rapidement chez Maleus dans l'espoir de pouvoir l'assurer de sa sympathie. Mais elle n'osa le déranger, et se contenta de glisser un message sous sa porte, comme cela se pratiquait beaucoup entre Sancerrois.
Puis elle se précipita chez elle, heureuse de retrouver la chaleur de son lit.

Ce matin-là, le froid mordait encore plus fort que la veille. Les pavés de Sancerre, rendus glissants par le gel, étaient autant de chausse-trappes.
Mentaïg avait mal dormi, tourmentée qu’elle était par l’arrivée à Sancerre de gens de peu de foi. En revanche, il lui semblait de plus en plus évident que nombre de vagabonds qui auraient bien voulu s’installer et mener une existence honorable se trouvaient vite découragés.
Le destin - ou Saint Arnvald ! – lui adressa encore un signe : en taverne, elle fit la rencontre … d’un fantôme. Encore une nouvelle arrivante qui risquait de se croire indésirable ! Mentaïg en parla aussitôt à Messire Lems, puis à Messire Hugo. Ce dernier lui recommanda de s’en ouvrir à Dame Joanna, chargée officiellement de l’accueil des vagabonds.
Aussi, prenant son courage à deux mains, Mentaïg s’habilla-t-elle le plus chaudement possible et partit affronter les rues de Sancerre.

Joanna avait bien reçut le message de dame Mentaig, elle se precipita chez elle afin d'y deposer un petit message:

Citation :

Dame Mentaig,
J'ai bien reçut votre message, en effet il serait interressant que je prenne part de vos idées. Je serais en taverne en debut de soirée, nous nous croiserons certainement.
Amicalement, Joanna.

Journée douce-amère.
Le sommeil déserta longtemps le n° 19, ce soir-là. La soirée avait été empreinte de chaleur, certes, mais aussi de l'évocation de souvenirs terribles.
Se pouvait-il que l'on pût encore vivre, complètement, malgré tout ?
Se pouvait-il que la vie ne fût pas qu'une succession de journées passées à trimer pour faire jaillir les fruits de la terre, de soirées occupées à rechercher des moyens pour aider les autres à mieux vivre ?
Se pouvait-il que le bal ne fût pas encore fini ?

On en était au vendredi. La semaine tirait à sa fin. Mentaïg jeta un regard frileux dans l'entrebâillement de sa porte. De la neige, encore et toujours, linceul souillé par la profanation de multiples pas. Elle referma l'huis avec un soupir agacé, et se dirigea vers le coffre où elle rangeait ses quelques haillons.
Surprise, elle s'arrêta soudain, à l'écoute de ses pensées. Agacée ? Seulement agacée ?
La jeune femme sourit. Ce matin-là, la neige ne parvenait qu'à l'agacer, au lieu de la mettre en rage, comme d'habitude. La vie était belle, après tout. Mais, aussitôt, elle se mit à fouiller son coffre avec une frénésie de mouvement.
"Doucement, ma belle ! Ne te mets pas martel en tête. Les morts sont bien morts, ne va pas t'imaginer que les sentiments qu'ils ont suscité s'éteignent avec eux !"
Et elle s'habilla à toute vitesse, cherchant dans l'action un oubli facile.
Elle commença par un bref passage dans son potager. Les légumes y poussaient, bien au chaud dans leurs coffres, sur leur couche de fumier de cheval, de tourbe et de bonne terre franche. D'un doigt enfoncé dans le sol, elle en testa la température.
"Bien, se dit-elle. La neige a au moins ça de bon qu'elle empêche la chaleur de s'enfuir trop vite."
Elle n'avait rien de vraiment consommable, il faudrait attendre le lendemain pour la récolte. Elle s'en fut donc au marché acheter une énorme citrouille et quelques oignons, dont elle se fit un excellent potage.
"Si avec tout ça les bonnes offres d'emploi me passent encore sous le nez, se dit-elle, je n'y comprends plus rien. Ce que je récolterai demain, je ne le mettrai pas en vente. Je m'en ferai des soupes, des potages, des gratins, ... Mmmmh ! J'en ai l'eau à la bouche."
Enfin, elle s'en fut à la mairie. Une seule offre était disponible : Dame Ethelred cherchait quelqu'un pour abattre un cochon. Mentaïg sourit, songeant aux énormes mains dont Homme-des-Bois prétendait se servir pour assommer ses bêtes, et contempla les siennes.
"Mouais ! Elles ne sont pas mal non plus. Abattre un cochon ? Pourquoi pas !"
Et elle fit un saut à la taverne en attendant les résultats de sa demande.

Mentaïg n'obtint pas la place chez le capitaine Ethelred. En revanche, Totoxlezerox cherchait quelqu'un pour récolter des légumes. Voilà qui était beaucoup plus dans ses cordes ! En attendant que le dégel de midi rende la terre suffisamment souple pour un arrachage de poireaux en règle, Mentaïg se rendit à la taverne.
Lems et Icefly y étaient sur le point de s'attaquer à la daube qui mijotait dans la cheminée depuis la veille, et le tavernier était en train de faire un sort au bouchon d'une bouteille de Sancerre rouge dénichée au fond de sa cave sous un tas de poussière. Il en offrit à la jeune femme, qui accepta volontiers le verre. Elle préférait le vin à la bière, et de loin ! Celui-là la ravit : une belle robe rubis, des arômes de cerise, une structure souple et ferme, long en bouche ... Un vrai bonheur !
Cette dégustation paracheva sa bonne humeur, et ce fut en chantonnant qu'elle se rendit dans le potager de Messire Totox.

En allant travaillez chez mentaig, elle déposa l'invitation au pied de sa porte. Puis elle alla recoltez les légumes de sa patronne.

Citation :

Bonjour mentaig, je t'invite ce soir a ma pendaison de cremaillere qui se deroulera au n°27, a partir de 20h.
Emmene qui tu veux
Amicalement
Lady hortduch

Grâce aux conseils qu'Ice lui avait donnés la veille en taverne, Mentaïg s'amusa à peindre les portraits de Dame Ysabeau, Messire Hugoruth et Messire Bragon. Elle transmit le premier et le dernier à la bourgmestre, par pigeon, à charge pour elle d'expédier le sien au forgeron.
Quant à celui de l'adjoint, elle le lui remit en mains propres alors qu'ils devisaient autour d'une bière, et il eut la bonté de le trouver fort réussi. Quelques retouches rapides permirent un meilleur rendu des vêtements.
Mais tous ces amusements ne faisaient pas avancer son projet de lexique à l'usage des vagabonds, aussi se promit-elle d'y travailler dans la journée.

Le temps se radoucissait quelque peu.
Dans son appentis, Mentaïg trouva les légumes récoltés la veille en son potager par Mathilde, qu'elle avait embauchée pour l'occasion, alors qu'elle-même tondait les moutons de Sigurde. Il y avait là des poirées, des choux de Bruxelles, du persil par bouquets entiers, des betteraves, les longues racines blanches des salsifis dont les graines lui avaient été données par un voyageur de Constantinople fuyant l'inexorable avancée des Turcs. Elle décida de tout garder pour sa propre consommation. Il lui fallait penser à se bien nourrir si elle voulait être dans une forme suffisante pour décrocher des emplois intéressants. Et puis, au prix où était le pain, le calcul était vite fait. Elle vendrait ses légumes au mieux pour 46 écus tous les cinq jours, et consommerait dans le même temps pour environ 33 écus de pain, ce qui lui laisserait un bénéfice de 13 écus en cinq jours. Mais, si à cause de son manque de charisme elle passait à côté d'un emploi ne fût-ce qu'un jour sur les cinq, et devait s'embaucher à l'église pour 5 écus au lieu des 15 ou 16 que payaient les artisans, son bénéfice serait réduit à 2 ou 3 écus. Non, vraiment, il valait mieux garder ses légumes et les consommer soi-même jusqu'à ce qu'on rayonnât littéralement.
Elle prit donc soin d'assurer la conservation des précieuses denrées en les protégeant du froid, des rongeurs et de l'air, puis se confectionna une soupe bien roborative. Tandis qu'elle cuisait, la maraîchère fit un premier semis de fèves à longues cosses, dont elle appréciait particulièrement les graines. Elle prit enfin le temps de se restaurer, et se mit en route vers le coeur du village.