Le dispensaire Saint-Roch

On était en pleine campagne pour les ducales. Mentaïg venait de faire partir une nuée de pigeons, qui avaient longuement tourné au-dessus du dispensaire, se heurtant les uns aux autres dans un long froissement d'ailes, avant de partir dans toutes les directions pour délivrer leur message.
Une message succint, dont elle espérait qu'il serait lu même par ceux qui n'avaient que le temps de s'occuper de leurs champs. Il y allait de l'avenir du Berry.
C'est au dispensaire qu'elle avait choisi de s'installer pour accomplir cette tâche, fastidieuse, mais ô combien nécessaire. St-Roch était encore plus calme que d'habitude, en cette fin d'été.
Elle se leva et s'étira, les mains sur les reins, fit craquer ses épaules endolories. Une petite pause en taverne, peut-être ? L'idée la tentait. Elle poussa la porte.
Dans le vestibule, Elenchild et sa jeune épouse attendaient. Surprise, Mentaïg s'arrêta.

Bonsoir, Elenchild. Bonsoir, Dame. Vous ....

Elenchild était blanc comme un linge. Elle s'approcha.

Vous êtes souffrant, Elenchild ? Je peux faire quelque chose pour vous ?

Elen se leva d'un coup prit de peur. Il regarda Mentaig affolé, il se mit à bégayer.

No.. non ... non ... je ... je ... v... v... vais ... bien... C... C'est... pour Omi !!!

N'en pouvant plus, il se mit à courir dehors. Il reviendra quand il sera calmé.

Elenchild n'avait vraiment pas l'air bien. Quand Mentaïg lui adressa la parole, il se dressa soudain, si pâle que la jeune femme craignit de le voir retomber aussitôt. Elle eut peine à comprendre ce qu'il disait.

No.. non ... non ... je ... je ... v... v... vais ... bien... C... C'est... pour Omi !!!

Et il prit ses jambes à son cou.
Mentaïg savait que, bien malgré elle, elle en impressionnait plus d'un. Mais à ce point !

Eberluée, elle se tourna vers l'épouse d'Elenchild, l'air interrogateur.

Bonjour Dame Mentaig, je suis navrée de vous déranger mais, j'ai un leger retard et nous voulons un enfant et je suis angoissée. Enfin pouvez vu vérifier s'il vous plait?
Nous en voulons tellement un, j'ai tellement peur de me tromper.
Je vous en prie dame Mentaig..

Vous ne me dérangez nullement, mais ...

Elle n'était pas insensible à la note de supplication dans la voix de la jeune épousée, mais était encore sous le coup du départ précipité d'Elenchild.

Venez par ici.

Tout en guidant Omgirl vers son bureau, elle demanda :

Qu'est-ce qui lui fait si peur ? On aurait dit qu'il avait le diable à ses trousses ! Il craint les nonnes ?

Elle renvoya d'un geste Soeur Marthe qui, comme toujours, l'avait silencieusement suivie, au cas où on aurait besoin de ses services, et fit asseoir Omgirl en face d'elle.

Elle avait suivi Dame Mentaig dans son bureau et s'était assise là ou la dame l'y avait invitée.

Je vous pris de l'excuser Dame mais il à horreur des dispensaires. Toutes ces odeurs de plantes, et la salle d'attente, il assimile cela à la maladie. Il en a peur. Il faut l'excuser dame, je lui ferais la leçon qu'on ne s'enfui pas devant quelqu'un. Vraiment navrée. Je pense aussi qu'il est anxieux de savoir si il va être père ou non.

Elle regarda la femme d'un air anxieu en patientant de savoir ce qu'elle attendrait d'elle.

A mesure qu'Omgirl déroulait ses explications, Mentaïg était obligée de réprimer une envie de rire de plus en plus forte. Les hommes, décidément ! Toujours prêts à s'entre-étriper sur un champ de bataille ou dans une rixe de taverne, mais tout aussi prêts à s'évanouir devant le sang d'une petite coupure ou à se trouver mal en reniflant une odeur de thériaque !
Elle joignit les mains devant son visage pour masquer son hilarité, et se calma devant l'air anxieux d'Omgirl.

Ne le grondez pas trop, allez ! Ce n'est ni le premier, ni le dernier qui fait ça.
Venez donc vous étendre, on va voir où vous en êtes.

Elle s'assura ostensiblement que la porte était bien fermée, afin de rassurer la jeune femme, et l'examina consciencieusement. C'était la première fois qu'elle la voyait au dispensaire. Après les questions d'usage, elle annonça :

Il est fort possible que vous attendiez un enfant, en effet. Mais restons prudents. Nous confirmerons dans quelques semaines. D'ores et déjà, évitez de trop vous fatiguer. Les longues soirées en taverne, ce sera pour dans quelques mois, quand le petit sera né.

Elle sourit, de ce sourire qui lui venait si facilement aux lèvres au dispensaire, et si rarement en d'autres lieux.

Je suis très contente pour vous deux !

Omgirl rayonnait, malgré une appréhension perceptible dans ses propos.

C'est tout-à-fait normal de se sentir un peu inquiète devant l'inconnu. Mais ne vous en faites pas. N'hésitez pas à revenir me voir quand vous voulez.

Je ne vous remercierez jamais assez de la part de mon époux et moi-même.

Mentaïg sourit.

Ne me remerciez pas, voyons. C'est toujours un plaisir pour moi de confirmer de pareilles nouvelles. A très bientôt.

Elle raccompagna Omgirl jusqu'à la porte, la regarda s'éloigner, la main dans celle de son époux.
Un voile tomba sur ses yeux.
Une fois de plus, les doutes l'assaillirent. La tentation de rester ici, dans le calme de ce dispensaire, où elle pouvait faire ce qu'elle aimait vraiment, au lieu de courir indéfiniment de Bourges à Paris, de Paris à Baugy, de Baugy à Sancerre, la tenailla. Peut-être HdB s'enfoncerait-il moins souvent dans la forêt, ou pour de plus courtes périodes, si elle-même était moins occupée par ses multiples charges. Peut-être ...
Elle soupira.
Après un passage par son bureau pour récupérer sa besace et donner quelques instructions à Soeur Marthe, elle reprit la route de Bourges.

Alumette se promenait souvent du côté du dispensaire. Cette grande batisse lui en imposait. Elle n'avait jamais voulu entrer, d'abord parce que la porte était souvent fermée, et qu'elle ne savait pas encore comment se familiariser avec les habitants de Sancerre. Sa solitude, qu'elle menait depuis que son compagnon l'avait maltraité, l'avait empêché de voir quiconque.

Aujourd'hui, elle vit que la porte était entrouverte. Poussée par sa curiosité, elle s'avança et s'aventura dans le hall du dispensaire.
Tout était calme. Pas un murmure, même le bruissement du vent dans les feuilles des arbres était imperceptible.

Peu de malades étaient venus se soigner en ce lieu. Soit parce que les villageois avaient une santé de fer, soit parce que depuis la disparition de dame Mentaig, plus personne ne voulait venir ici.

Alumette explora les pièces une à une. Arrivée devant la porte d'un bureau, elle entendit des pas, et des raclements sur le sol. Prenant son courage à deux main, elle brava sa peur de l'inconnu, et poussa la porte.

Devant elle se tenait une jeune femme avec balai et seau d'eau. Apparemment, elle faisait le nettoyage de la pièce.

"Bonjour, excusez moi de vous déranger dans votre travail. Je m'appelle Alumette, nouvellement installée à Sancerre. Heu... je visitais simplement les locaux, je ne pensais pas y trouver quelqu'un... Permettez que je vous aide dans cette tâche fastidieuse? Le batiment est assez grand pour le nettoyer à deux. Il vous faudrait toute la journée pour le faire sinon. Cela m'occupera, je n'ai pas grand chose à faire à part flâner dans les rues."

Elle sourit à la dame, et sans attendre sa réponse, partit en quête d'un balai et d'une serpillère. Elle noua ses cheveux, et remonta ses manches.

"Bon, au travail !"

Omi entra dans le dispensaire d'un pas pessé.
Elle vit Aryan et deux dames qu'elle en connaissait pas.
Son état s'agravait de plus en plus. Elle était essoufflée et elle avait de terribles douleures

Aryan, s'il vous plait le travail à commencé. Je.. Je ... Mon enfant va naitre..

Ah Amelyana ! Merci d'être venue ! Je vais vous laisser le ménage dans le couloir et je vais aller m'occuper des draps et ...

Aryan se retourna et vit une autre personne s'avançait. Norf de norf, il y en avait du monde aujourd'hui au dispensaire! Elle reconnut Omgirl, pliée en deux par des certaines douleurs, la main sur son ventre.

Aryan, s'il vous plait le travail à commencé. Je.. Je ... Mon enfant va naitre..

Naitre ? vous êtes sûre? heu ...

Elle regarda Omgirl, oui, le travail avait commencé et aucunes chambres n'étaient prêtes encore ! Ysa arriva à ce moment là et sembla prendre les choses en main un petit peu.

Les amies, y a-t-il un lit
fait ? Un lit propre pour accueillir Omi ? Je crois qu'il y a
urgence... et puis on pourrait appeler Saya ? mettre de l'eau à
chauffer ? Bref... On s'organise ?

Oui Ysa, peux tu aller chercher Saya ? On va avoir besoin du monde. Amelyana allait faire chauffer de l'eau et Alumette pouvez vous préparer un lit?

Aryan s'approcha d'Omgirl et l'amena dans une des chambres préparée par Alumette.

Alumette n'avait jamais assisté à une naissance. Un peu surprise par la situation, elle entendit d'une oreille lointaine:

"Oui Ysa, peux tu aller chercher Saya ? On va avoir besoin du monde. Amelyana allait faire chauffer de l'eau et Alumette pouvez vous préparer un lit?"

Alumette scrutait le ventre d'Omgirl, incapable de suivre un autre itinéraire. Par une secousse d'Aryan, elle sortit de sa léthargie.

"Un lit ?? Oui oui, bien sûr, j'y vais de ce pas ! Il me faut des draps propres. Au fait, je la prépare au rez-de-chaussée, dans la salle que nous avons nettoyée tout a l'heure. Au moins, ce sera propre et sans risque pour l'arrivée du bébé."

Ces mots dits, elle partit en courant chercher dans les armoires des draps qu'elle empilait les uns sur les autres. Elle courut aussi vite qu'elle le pouvait dans la salle prévue. Jamais auparavant elle n'avait fait un lit en si peu de temps. Et il était extrêmement bien fait !

"Si j'arrivais à faire ca tous les jours chez moi, j'aurai beaucoup plus de temps pour faire autre chose !" se dit elle en souriant.

Et elle repartit dans le hall où attendait Omgirl et Aryan qui la soutenait.

"Venez, tout est prêt. Amelyana est en train de faire chauffer l'eau, ca ne devrait plus tarder."

Ayant été infirmière dans une autre vie, Mel s'activa dès que Omi arriva ; en plein travail.Elle suivit Aryan et Omi dans la chambre, se dirigea vers la cheminée, , y placa un chaudron avec de l'eau...Elle chercha sur les étagères le materiel necessaire.

Aryan vous permettez que je prenne le materiel, je vais tout installer, en attendant la sage femme..

Elle prit tout ce qu'il fallait; Elle désinfecta une petite table, les ciseaux et le scalpel, ainsi que la ficelle...elle installa tout ca sur la table...elle ramena du linge propre et un antiseptique, et elle commença à faire bouillir des compresses dans de l'eau..

Voilà maintenant, il n'y a plus qu'a attendre..

Elle s'approcha D'omi et lui parla d'une voix douce

N'ayez crainte, tout ira bien..allongez vous bien ..et detendez vous..N'oubliez pas de bien souffler entre chaque contraction..

Omi se sentait entourait parmi toutes ces femmes. Elle se sentait aussi à l'aise que sa condition le permettait.

Elle s'allongea en soufflant sur le lit effectué par dame Allumette.

Elle les regarda tour à tour et dit en un souflle.

Merci...

Du monde était arrivé, beaucoup trop de monde, il fallait que Omgirl reste au calme. Aryan réfléchit à toute vitesse, des sages femmes, il n'y en avait pas, il faudra faire sans.

Bon, moi, Saya et Amelyana resteront près de Omgirl vu que nous n'avons pas de sage femme, on le fera avec les moyens du bord. Alumette et Claire, vous vous occuperait de l'eau et des chiffons, veillez à ce que Omgirl se détende.

Aryan continuait de réfléchir à toute vitesse et regardait Omi. Norf de norf, elle n'avait jamais accouché une femme ! Si, elle avait bein aidé Saya à mettre au monde les jumeaux mais c'était un cas d'extrême d'urgence et encore, c'était la seule qui avait quelques notions.

Dis moi ysa, tu ne m'avais poas dit que la nourrice de Mentaig était ici ? Tu penses qu'elle pourrait nous aider ?

Ysabeau vit qu'Ary prenait les choses en main. Les jeunes femmes s'affairaient, le lit fut bientôt prêt. Un jeune garçon alla chercher Saya qui arriva sans tarder.
Du monde, beaucoup de monde... trop de monde peut-être pour une future accouchée.
Mais ni Ary, ni Saya n'avaient une grande expérience des naissances... Certes tout se passerait certainement au mieux, mais... si la moindre difficulté surgissait...
Soudain Ary :

Dis moi Ysa, tu ne m'avais pas dit que la nourrice de Mentaig était ici ? Tu penses qu'elle pourrait nous aider ?

Koupaïa... Mais oui, la vieille Koupaïa... elle était femme d'expérience, et Mentaïg lui avait dit qu'elle tenait d'elle sa science des plantes. Koupaïa serait sans nul doute une aide précieuse...

Je vais la chercher, Ary. Je crois avoir vu de la lumière dans la maison de Mentaïg, si cela se trouve HdB l'y a installée... J'y vais et je reviens.

Elle quitta le dispensaire à pas pressés.

Alumette ne pensait pas qu'une naissance nécessitait d'autant de remue-ménage.

"Ho, cela doit bien être stressant de mettre au monde un enfant...toute cette agitation...en même temps, c'est un moment magique, et unique...Faisons au mieux pour accueillir le bébé à venir dans de bonnes conditions !"

Alumette alla s'occuper avec claire des draps et de l'eau à chauffer, comme l'avait ordonné Aryan, qui apparemment avait déjà eu l'expérience d'un accouchement.

Elle ne savait pas combien de temps pouvait prendre la délivrance de l'enfant : une heure, une demi-journée, la nuit entière? Tout dépendait en fait du bébé.
Et comment détendre Omgirl dans sa dernière étape de grossesse?
Autant de questions qui turlupinaient Alumette qui s'activait frénétiquement aux tâches qu'on lui incombait.
Elle sentit, en elle-même, qu'elle pouvait etre utile, et faire preuve de responsabilité.