Le dispensaire Saint-Roch

"Oui je sais Mentaïg ..."

Elle baissa la tête honteuse d'avoir inquiété tant de monde. Surtout
honteuse d'avoir inquiété ses ami(e)s et surtout avoir inquiété son
courant d'air ...

"Mentaïg, est ce qu'il serait possible que je puisse rester ici pour me
reposer un peu ? Ce n'est pas que je veuille ne pas retourner chez moi,
mais je voudrai pouvoir me montrer dans un meilleur état que celui là."

Sur ces mots, elle regarda ses mains osseuses et détourna son regard de
ses mains. Elle se détestais en imaginant dans l'état où elle était.
Elle fuyait tout objet ou élément qui pourrait refleter ce corps.

Te reposer, oui, bien sûr ! Et aussi...

Mentaïg s'interrompit. Elle avait suivi le regard qu'Aryan avait posé sur ses mains, et y avait lu toute la détresse du monde quand elle s'en était soigneusement détachée. Elle allait rajouter "et aussi te remplumer un peu", mais préféra se taire.

Et aussi... te remettre de tes émotions. Toutes les salles sont libres, mais si tu n'es pas vraiment malade, je te recommande plutôt la chambre de garde, dit-elle en désignant une des portes. C'est petit, mais confortable, et ça donne directement sur les étuves. Tu seras chez toi, comme ça.

Elle s'agenouilla près d'Aryan, et prit entre les siennes une main osseuse, aux veines apparentes, aux jointures saillantes.

Tu vas vite récupérer, Aryan, tu verras. Quelques jours de bonne nourriture au Havre, et tu seras exactement comme avant, je te le promets ! Tu es sûre que tu vas bien, à part ... ça ? ajouta-t-elle en serrant la main qu'elle tenait.

Aryan regarda Mentaig droit dans les yeux.

"Tu vas vite récupérer, Aryan, tu verras. Quelques jours de bonne nourriture au Havre, et tu seras exactement comme avant, je te le promets ! Tu es sûre que tu vas bien, à part ... ça ?"

"Je pense que je vais prendre la chambre de garde, elle m'a l'air parfaite, elle se pencha pour atteindre l'oreille de Mentaig pour y glisser quelques mots, ne t'en fais pas pour moi sur ce point là, je pense que tu as assez de problème et je ne voudrai pas t'ajouter des sujetsà réflexion"

Aryan se leva de sa chaise et s'en alla vers la chambre en prétendant qu'elle devait se reposer un peu. Elle tituba jusqu'à la porte, rentra et s'allongea sur le lit. Elle ferma les yeux pour les réouvrir quelques secondes plus tard. Une peur l'envahit. Et si elle ne se réveillait pas ? Elle ne voulait même pas y penser mais impossible de sortir cette idée de son esprit. Elle sentit sa gorge se serrer et des larmes arriver. Elle sortit de la chambre et regarda à droite et à gauche. Elle se mit en marche pour rejoindre Mentaig et tomba à genoux.

"Non ça ne va pas ... j'ai peur ..."

ne t'en fais pas pour moi sur ce point là, je pense que tu as assez de problème et je ne voudrai pas t'ajouter des sujetsà réflexion

Mentaïg regarda Aryan rejoindre sa chambre en titubant. Elle en avait de bonnes, Aryan... Comment éviter de se faire du souci à son sujet, quand on la voyait avec sa peau plus transparente qu'un parchemin huilé, ses membres agités de tremblements, dans des vêtements qui flottaient autour d'elle comme des fanions au vent ?
Assise à la grande table de la salle d'entrée, elle se mit à trier les linges sortis du coffre, l'esprit occupé du moyen de faire passer un arrêté sur la grille des prix. Il y avait les Artésiens, aussi, qui venaient de changer les termes d'un traité au moment précis ou le Conseil Ducal donnait enfin son approbation. Et puis HdB, encore et toujours, présent en filigrane dans son esprit, dont la force enfuie depuis cette odieuse attaque manquait autant à Mentaïg qu'à son possesseur. Elle refusait d'imaginer que cette force pouvait ne pas revenir.

Non ça ne va pas ... j'ai peur ...

La voix d'Aryan, autant que le contact de la tête qu'elle posait sur ses genoux, la firent sursauter. Elle ne l'avait pas entendue venir.

Aryan ! Peur ? Mais de quoi donc, voyons ? Je t'assure que tu vas aller mieux dans très peu de temps. Il te faut juste du repos, et à manger.

Elle lui caressait doucement les cheveux, parlait d'une voix calme, basse, comme à un enfant malade.

"Mentaig, et si je m'endormias pour ne plus me réveiller? J'ai vraiment peur, je ne veux pas avoir à recommencer ce que j'ai subi ... Je ne pourrai jamais oublier. Et si ..."

Les derniers mots s'étranglèrent dans la gorge d'Aryan laissant place à un sanglot. Oui, elle était terrifiée à l'idée de s'endormir pour un sommeil éternel. Il lui semblait qu'elle était marquée par cette expérience au fer rouge. Mais bizarrement l'intonation de la voix de Mentaïg et cette main apaisante la rassuraient et apaisaient quelque peu cette douleur. Elle mit une main à son ventre et sentit son ventre se manifester. Aryan se leva et marmonna quelques mots pour s'excuser du dérangement, pourquoi perdre ses habitudes ? Elle marcha quelques pouces et s'effondra sur ses genoux, complètement à bout de force.

Quand Aryan commença à parler, Mentaïg se dit qu'elle avait gagné. Mais, très vite, Aryan se tut, étouffée par les sanglots.

Laissons-la pleurer, se dit Mentaïg ; ça lui fera du bien, de se libérer un peu.

Elle le savait bien, elle qui avait enfoui des mois durant son secret, et qui avait résolu à coup de colères répétées l'incapacité où elle se trouvait à le livrer. Et puis il y avait eu HdB... Ne pas penser à HdB, pas maintenant. Du moins si c'était possible.
Absorbée, si peu de temps que ce fût, dans ses propres souvenirs, Mentaïg laissa Aryan se relever, et la suivit trop tard pour la retenir dans sa chute.

Ma pauvre Aryan, tu veux aller trop vite !

Elle se précipita pour l'aider à se relever.

Viens, fais un effort. Tu es peut-être amaigrie, mais encore bien trop lourde pour moi.

Mentaïg maudit in-petto ses cinq pieds de taille (un peu moins, même, mais elle ne l'aurait jamais avoué), et tenta de prendre Aryan dans ses bras.

Allez, au lit ! Je vais te préparer de quoi te sustenter, et tu dormiras. Je reste avec toi, ne t'inquiète pas.

Ils s'étaient enfin retrouvés l'autre soir en taverne, avaient pu s'isoler pour parler de leur souffrance commune, de leur peur de se perdre, et surtout, de la joie de réunir leur courant d'air, réactivant le tourbillon de leur amour. L'épreuve avait renforcé leurs sentiments mais avait aussi fait fondre Aryan... stigmates de son errance dans le vide.

Aujourd'hui, Jelubir se leva, tout joyeux ! Il décida de préparer le plat préféré d'Aryan. Quelques instants d'activité débridée : allumer le feu, attendre que le chaudron soit suffisamment à température, préparer le jarret, couper les citrons, allonger de crème et mettre le tout à mijoter.

Le chemin vers le dispensaire sentait bon la noisette, les chaumes, bref une belle journée d'été commençait (je ne m'informe plus de la météo de Ment', c'est toujours du mauvais temps:) ).

Il se présenta donc devant le dispensaire et frappa à la porte :

Ment' ! Je viens voir Ma Douce et Tendre. M'en permets tu l'entrée ?

Jelubir était soudain pris d'un remords... Qui donc surveillait Aryan pendant son repos ? Le nom s'articula sur ses lèvres en même temps que l'image de HDB gravement souffrant.
Ni une, ni deux, il se précipita au dispensaire en étant résolu à relever Mentaïg de sa garde. Si quelqu'un devait veiller sur Aryan, c'était bien lui!

Il n'avait pas oublié de prendre un chiffon imbibé d'huile qu'il appliqua sur la ferronerie de la porte. Pas un bruit ne devait réveiller Sa Douce !

Il trouva Mentaïg dans la remise ou elle triait le linge.

Ment', va donc auprès de HDB ! Là est ta place ! Je m'occupe de veiller Aryan. Je t'enverrai un pigeon si j'ai besoin de toi. Mais elle a juste besoin de dormir et de manger un peu.

Il déposa une bise sur la joue de Mentaïg, lui prit la pièce de linge qu'elle avait dans ses mains. Il l'a raccompagna jusqu'à la porte et la suivit du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse sur le chemin d'Aupic.

Mentaïg sursauta en entendant la voix de Jelubir. Mais comment diable avait-il fait pour s'approcher sans un bruit ? Etait-elle à ce point préoccupée qu'elle n'entendît plus une porte s'ouvrir, ou un pas derrière elle ?

Ment', va donc auprès de HDB ! Là est ta place ! Je m'occupe de veiller Aryan. Je t'enverrai un pigeon si j'ai besoin de toi. Mais elle a juste besoin de dormir et de manger un peu.

La proposition de Jelubir fut la bienvenue.

Oui, tu as raison, Jelu. Fais-la manger, et veille à ce qu'elle se repose. Je cours à Aupic. Tu pourras donner tout ce linge à la personne que j'enverrai le quérir, s'il-te-plaît ?

Elle se laissa enlever la pile des mains, et pousser gentiment vers la porte par son ami. Avec un dernier sourire à Jelubir, elle fila vers Aupic.

Malgré ses craintes, Aryan avait fini par sombrer dans un sommeil profond. La fatigue des derniers jours avait eu raison sur ses craintes. Mais le fait d'en avoir légèrement parler à Mentaig l'avait quelque peu soulagé d'un poids.
Dans son sommeil, il lui avait semblé reconnaitre la vois d'un être qui lui était cher, cette voix qui la rassurer toujours au creux de son oreille.

Aryan dormit comme ça une bonne partie de la journée. Son ventre avait finit par la réveiller. Elle marcha au travers des couloirs et finit par tomber sur la cuisine. Ses yeux pétillèrent à la vue du jarret qui était là. Elle raluma le feu et quelques instants après, se servit un peu de ce plat qu'elle aimait par dessus tout !
Après s'être bien rempli l'estomac, elle retourna dans sa chambre avec quelques parchemins et se remit au travail, assise sur le lit en tailleur.

Pour un garde malade, ça le fichait mal ! Jelubir s'était endormi dans la remise... Un bruit le fit sursauter. Tout courbaturé, il se demanda où il était. Il faisait sombre dans la pièce et l'odeur du linge récemment lavé lui rappela qu'il était censé garder sa Douce...
Il se précipita en bousculant quelques bassines, heureusement vides et se rendit, inquiet jusqu'à la chambre d'Aryan.

Il la trouva plongée dans ses parchemins, le regard pétillant et les cheveux sagement coiffés en arrière.

Holà, Ma douce, déjà au travail? Avez vous mangé au moins?

Aryan était plongée sur son parchemin, elle avait une commande aux peintres et elle avait du mal à faire ce qu'elle voulait. D'ailleurs, un petit tas de boule de papiers était empilé à sa droite. Elle n'entendit pas la porte s'ouvrir mais une voix familière la sortit de son travail.

Holà, Ma douce, déjà au travail? Avez vous mangé au moins?

"C'est plus une occupation qu'un véritable travail mon Tendre. Venez donc vous assoir près de moi que je vous montre !!"

Jelubir s'assit sur le lit et vit de multiples taches de couleurs.

Qu'est ce cela, Ma douce ? Ce sont de jolis dessins. Je ne vous savais pas si brillante artiste !

Il déposa un doux baiser sur les lèvres de sa Douce, fier de ses travaux, même si quelques boules de papier jonchaient le sol... Il se rapprocha de sa Douce et la serra dans ses bras. Il profita de cet instant ou tout était suspendu pour se blottir dans les bras de Sa Belle.

Aryan lui montra fièrement son travail encore inachevé. On pouvait y voir dessus une forêt, avec très peu d'arbre éclairé par des éclairs déchirant le ciel. La partie de droite était encore vide de couleur. Aryan hésitait. Soit elle plaçait le portrait de la dame ici en donnant une impression de transparence soit elle y ajouter un croissant de lune et rajouter le portrait de la dame par dessus, toujours en laissant un effet de transparence. Et puis cela pouvait encore attendre. Elle avait encore le temps.

"Mon doux, vous avez l'air ensommeillé. Auriez vous dormi si tôt dans la journée ?"

Aryan se blottit dans ses bras tout en lui souriant tendrement. Elle s'approcha de son oreille pour lui glisser quelques mots.

"Et si nous rentrions chez nous ? Je me sens déjà mieux, je peux vous l'assurer !"

Et si nous rentrions chez nous ? Je me sens déjà mieux, je peux vous l'assurer !

A ces mots, la douce nonchalance qui s'était emparé de Jélubir s'envola aussitôt. Son coeur se mit à bondir !

C'est vrai ? Vous êtes complètement remise ? YOUPIEEE! ON RENTRE CHEZ NOUS !

Aryan ne put s'empêcher de rire devant l'enthousiasme de Jelubir.

"Venez donc m'aider à ranger le bazard que j'ai mis!"

Aryan s'empara de ses boulettes de papiers et se dirigea avec vers la cuisine. Elle laissa tomber des dessins inachevés et qui n'était pas du goût de la dame près des bûches pour alimenter les prochains feux. Elle récupéra les derniers morceaux de viande qu'elle n'avait pas manger et se mit en tête de laver le chadron et c'est ce qu'elle fit. Après avoir ranger le chaudron à sa place et laver la table, elle revint dans la chambre pour y refaire le lit. Elle s'assit dans un coin et sortit parchemin et plume.

Citation :

Merci pour tout, pour tes soins et surtout ton écoute.
Amitiés, Aryan

Aryan laissa le mot à un endroit où elle était sûre que Mentaig le trouverait.

"J'espère que je pourrai l'aider un jour comme elle le fait pour moi ..."

Gayala arriva devant le dispensaire; c'était la première fois qu'elle y mettait les pieds, elle ne savait pas trop comment ça fonctionne. Elle frappa à la porte et attendit qu'on vienne lui ouvrir. Elle s'assit par terre près de la porte. la tete entre les genoux. Au bout d'un moment un pigeon arriva a coté d'elle et lui déposa la réponse de mentaig près de son pied. elle ouvrit le mot. puis elle rentra chez elle.

Gayala revint au dispensaire tard dans la soirée. Elle frappa à la porte et attendit qu'on vienne lui ouvrir.

Il était déjà fort tard quand Mentaïg trouva le temps de passer au dispensaire. Aryan étant à Noirlac, les locaux étaient vides. Il est vrai que les Sancerrois jouissaient en général d'une excellente santé.
La jeune femme vérifia ses stocks, jeta un coup d'oeil circulaire pour s'assurer que rien ne requérait son attention, et s'apprêta à quitter les lieux. Ce fut à ce moment qu'on frappa à la porte.

Tiens ! Je n'aurais pas dû me réjouir si vite de la bonne santé de mes concitoyens !

Elle ouvrit rapidement, et reconnut, à la lueur des torches qui flambaient de part et d'autre du porche, la silhouette de Gayala.

Bonsoir, Gayala. Entrez donc. Il ne fait pas bien chaud, ce soir.

Elle s'effaça pour la laisser passer et la fit asseoir, puis attendit qu'elle lui expose le motif de sa visite si tardive.

Bonsoir Dame Mentaig. Dit-elle en entrant dans la batisse. Je suis navrée de vous déranger à heure si tardive mais c'est important. La jeune femme avait l'air un peu mal à l'aise. Je...voilà, je me demandais si...vous n'auriez pas une tisane ou un quelconque remède contre les nausées...pas n'importe quelle nausées...Précisa-t-elle. J'attends un bébé...et je veux le garder. Puis elle baissa les yeux, un peu honteuse...

Gayala prit le sachet que lui tendait Mentaig et sourit. Oh oui, je me réjouie de la venue de ce bébé. Cela rend très heureux Cetnik aussi alors, c'est parfait. Mais c'est pas ma première grossesse vous savez...Enfin, j'étais très jeune, il y a plusieurs années... enfin, bref, c'est pour ça que je sais que je suis enceinte. Je reconnais les signes, la façon dont mon corps réagit à ce changement. Et les nausées, ça a toujours été une horreur...enfin, c'est comme ça pour toutes... Elle réfléchit une seconde et continua. La naissance...si mes calculs sont bons devra survenir au moment de mon anniversaire...fin novembre, pour mes 22ans. Bon cadeau d'anniversaire, hein?