17 Place de la Halle, Ysabeau, élégances sancerroises

Le soleil se levait sur Sancerre, perçant les nuages. Une brise légère faisaient s'agiter les feuilles des arbres. Baastet était profondément endormie, sur la couette. Pas un bruit, ah si, le chant d'un coq dans le lointain...
Ysabeau ouvrit les yeux.
Une nouvelle journée. Des mots trottaient dans sa tête, curieux... des mots, la fin d'un rêve dont elle ne se souvenait plus ? Elle ne savait pas.
Les mots couraient... il fallait les rattraper, il fallait les écrire. Elle ne voulait pas qu'ils se perdent. Les jolis mots, les mots...
Elle se leva, ouvrit la fenêtre pour laisser entrer le jour, s'assit à la table, prit un parchemin, une calame, un peu d'encre... et écrivit.

Citation :

Le lit le plus doux de l'amour, c'est la mémoire.
Les jours ont coulé
Le temps a passé
Les pages sont tournées
Nos livres sont fermés.
Le lit le plus doux de l'amour, c'est la mémoire
Je n'ai rien oublié
De ce qui a été
De nos amours passées
Des instants partagés
Le lit le plus doux de l'amour, c'est la mémoire
Je n'ai rien oublié
Des mots doux échangés
Rien oublié
Le lit le plus doux de l'amour, c'est la mémoire
Le temps d'un soupir
Douceur des souvenirs
Douceur des sourires
Le lit le plus doux de l'amour, c'est la mémoire.

Elle posa sa calame, laissa l'encre sécher sur le parchemin.
Elle restait là, rêveuse, un léger sourire sur les lèvres. Les souvenirs du passé donnaient goût au présent. C'était ainsi. Rien ne pouvait faire que ce qui fut n'ait jamais existé. Et c'était bien, c'était bien. C'était sa vie, c'était elle.
Sur la table, elle avait posé un petit pot de grès rempli d'eau, et y avait déposé la rose qu'on lui avait offerte la veille. Un sourire de la vie...

Un peu plus tard, son premier repas pris, elle sortit de chez elle, traversa la place pour se rendre à la Prévoté, la douane ne devait pas trop attendre.
Elle rédigea son rapport, vit avec plaisir que May et Gal étaient bien rentrés, que Mentaïg avait enfin pu quitter l'auberge, et que... mais oui ! Ali et Ovni étaient arrivés !
De beaux moments en perspective, au Havre...

Elle sortit dans les ruelles, se disant qu'elle passerait chez Kolas, comme elle lui avait promis.

En rentrant chez lui, Kolas erra au détour de
certaines ruelles et tomba sur la demeure d'Ysa à la porte de laquelle il
déposa un bouquet de jonquilles jaunes avec un ouvrage ramené de ses
longs séjours dans lequel sont rassemblés quelques poêmes de poêtes
perses traduit en vieux françois...
D'une main rapide il signa un tendre mot à sa chère Ysa et posa le livre avant de repartir.

De bon matin, kolas se présenta à la demeure d'Ysa dans l'espoir de l'y trouver pour lui annoncer une bonne nouvelle.
En effet, Kolas avait enfin achevé son catéchisme et espérait la trouver pour fixer d'une date où elle pourrait être présente à la cérémonie.
Ne voyant âme qui vive, Kolas laissa un mot sur le seuil de la porte d'Ysa après avoir frappé, et repartit à ses occupations.

Les jours s'écoulaient... Un homme était revenu, puis était reparti, Ysabeau s'y attendait un peu. Elle avait ressenti comme un malaise, quand il venait au Havre. C'était ainsi.
Kolas... Kolas semblait avoir oublié l'après-midi de promenade, ou bien il préférait l'amitié. C'était son choix. Ysabeau était allé à son baptême. Elle venait d'apprendre qu'il rejoignait l'OCF, l'Ordre dont Thorin avait été le Grand Maître. Il construisait sa vie, il allait son chemin, avec détermination. Un grand avenir s'ouvrait devant lui, sans nul doute.

L'amitié... Plus forte que les amours éphémères, plus durable. Elle regarda son épée posée sur la table, l'améthyste qu'Astaroth y avait incrustée. L'améthyste, signe d'un engagement, d'une promesse. Ne rien attendre, ne rien espérer. Juste, savoir qu'elle pouvait compter sur ses amis.

Elle prit le livre que Kolas lui avait offert, le livre de poésies perses. Elle l'ouvrit au hasard, lut. Le livre était beau, enluminé, orné.

Citation :

Ce monde n’est que vent, ce monde est légende fugace,
Jouis donc de ta vie en savourant les yeux noirs des grâces,

Jouis donc de l’instant, de cet instant qui passe
Maintenant oublie le passé, oublie tes hélas,

Plus rien n’existe pour toi sauf ces boucles parfumées,
Plus rien n’existe pour toi sauf ce ravissant visage de fée ;

Sache que la fortune sourit à celui qui sait donner et prendre,
Et l’infortune s’accroche à celui qui ne sait ni offrir ni prendre ;

Verse-toi donc du vin, qu’importe que tout trépasse,
Ce monde n’est que vent, ce monde n’est que nuée, hélas.

Elle lut, relut... Les mots chantaient à son oreille comme la harpe de Ice, Ice qui attendait au Havre, la venue d'un voyageur lointain... Les mots chantaient, les mots parlaient. Comme une douce musique. Elle referma le livre, puis s'en fut à l'échoppe travailler à des bottes.

Plus tard, elle sortit, parcourut les ruelles... Soudain, elle s'arrêta. Gayala... Il faudrait certainement lui porter de la nourriture, aller voir si elle allait bien...
Une mésange vint chuchoter à son oreille... Mentaïg la demandait.

Quelques jours plus tard, au matin

Fraîcheur d'une aube un peu grise, Ysabeau s'éveilla. Elle sortit doucement de l'alcôve. Dans la pièce de vie, sur un lit de fortune, les enfants de Saya dormaient encore. Louise, l'aînée, et Aaron et Eloïse, les jumeaux. Serrés les uns contre les autres, sous les couvertures, ils dormaient. Baastet était roulée en boule au pied du matelas.
Ysabeau sourit. Ces enfants étaient comme un rayon de soleil dans sa maison, leur gaité, leur vivacité lui rendaient la joie qu'elle avait un peu perdue ces derniers temps. Ils étaient la vie même.
Doucement, pour ne point les réveiller, elle prépara le premier repas, lait tiède et miche croustillante. Elle coupa des tranches qu'elle tartina de beurre frais et de miel.

A la fenêtre, un coup discret. Elle ouvrit, un petit pigeon entra en voletant.
Délicatement, elle détacha le message qu'il portait, le déroula, le lut...

Citation :

Très chère Ysa.

Excuse moi. Je t'avais dit que je t'attendrais
pour partir en voyage, mais je ne peux pas, il faut que je m'eloigne
d'ici pour me retrouver. J'ai decidé d'entreprendre un long voyage au
nom de la marine marchande jusque sur l'ile Bourbon, située non loin
des Indes.
J'espère que tu ne m'en veux pas, et sache que ce que je
t'ai dit l'autre jour en taverne est vrai, je pensais sincerement ce
que je t'ai dit.

Je t'embrasse. Astaroth

Ainsi Asta avait finalement décidé de partir... Elle eut le coeur un peu serré, mais elle comprenait les raisons qui poussaient son ami à s'éloigner. Et puis, ce voyage lui ferait sans nul doute du bien.
Il allait partir, à son tour. Elle se promit de lui écrire.

Baastet ouvrit un oeil, baîlla, s'étira... et lança un regard de convoitise sur le petit pigeon. Ysabeau fit sortir l'oiseau, qui s'envola bien vite vers la maison de son maître...

En attendant le réveil des enfants, elle s'en fut à l'échoppe vérifier ses stocks de laine et de peaux.
Sur un portant, trônait la houppelande qu'elle s'était fabriqué la veille. Enfin, une vesture élégante... Plus qu'à choisir la couleur, à préparer la teinture... Elle tâta l'étoffe. Un petit plaisir, pour elle.
Tout à coup, elle s'arrêta.
Devant les étagères où étaient pliés les tissus, par terre, un rat. Un rat mort... Baastet ? ou...
Elle frémit. Depuis plusieurs jours, Mentaïg lui parlait de rats morts, au dispensaire, chez certains sancerrois...

Ici, comme sous la porte de chacune des autres habitations de Sancerre, une lettre officielle fut glissée par la main tremblante de Terry, le visage livide, le coeur battant un peu trop vite, à cause de la course qu'elle faisait, mais aussi en raison de ses craintes.

Citation :

Chers amis,

Depuis quelques jours, des rats sont retrouvés morts un peu partout, dans nos rues, nos maisons, et ce sans raison apparente.

Dame Mentaig et moi-même pensons que tout cela n'augure rien de bon, et qu'il est envisageable que nous ayons à faire aux prémices de la peste. Rien n'est encore certain, donc nulle raison de vous mettre à paniquer, mais mieux vaut prévenir que guérir.

C'est pourquoi je vous invite toutes et tous à vous rendre au domaine de Baugy afin de vérifier que vous n'êtes pas malades.

Vous n'êtes pas sans savoir que si jamais il s'agit bien de la peste, celle-ci se propage à une vitesse folle, et que les rats morts sont vecteurs de contamination. Aussi, je vous conjure de ne les toucher sous aucun prétexte si vous en voyez. La milice a été avertie et traitera les cadavres d'animaux avec la plus grande prudence, les jetant au feu sur le terrain de soule qui a été réquisitionné à cet effet. Prière donc de ne pas vous rendre là-bas, sous aucun prétexte.


Terwagne,
Maire de Sancerre

(HRP : Pour savoir si vous êtes contaminé, il vous suffit de vous inscrire sur ce forum et de suivre les instructions dans l'Antre de la puce. Le RP quant à lui se déroule sur la gargotte (ICI).

Bon amusement à ceux et celles qui participeront.)

A l'aube, elle s'éveilla. Encore courbatue, mais il lui semblait aller mieux. Le feu continuait à brûler, plus doucement. Elle se leva, et suivant les conseils qu'Ice lui avait donné la veille, elle brûla les draps du lit dans la cheminée.
Puis elle s'habilla, remit des draps propres sur le lit (se promettant d'en apporter d'autres pour remplacer ceux qui avaient été brûlés), et s'en retourna chez elle.

Le soleil brillait déjà, elle fut éblouie par la lumière en sortant. Bientôt elle ouvrit la porte du 17, Baastet l'accueillit avec un miaulement désapprobateur. Ysabeau lui servit un bol de lait.
A la fenêtre, une tourterelle attendait patiemment... Harmonie ! Elle reconnut la fidèle tourterelle de sa soeur. Elle lui avait écrit pour lui dire ses inquiétudes, et May n'avait point tardé à lui répondre.
Elle détacha le message, nourrit la tourterelle de quelques graines, et lut.

Citation :

Ma chère sœur,
les nouvelles que tu me donnes sont en effet fort alarmantes, en voyant
l'en tête je pensais que tu me parlerais de George, de politique, d'Ice
qui veut fermer le Havre pour la énième fois, d'Hugo et Terry qui se
séparent pour mieux se remettre ensemble, bref, je m'attendais à tout
sauf à cela!!! LA PESTE?!!! en es tu bien sûre?! Mentaïg t'a-t-elle
confirmé cela?! peut être est ce une maladie qui ne touche que les
rats... point les humains... norf ma sœur, je m'inquiète vraiment pour
toi qui semble mal en point, j'espère que ce n'est qu'une fièvre
passagère... Je m'inquiète pour les Sancerrois également, pour le
Berry...

Je t'embrasse, nous pensons bien à vous, encore plus avec ces
malheurs... Pourvu que cela se passe aussi vite que la consomption,que
ça soit beaucoup moins grave, qu'il ne s'agisse pas de la peste.. tiens
moi au courant ma sœur et soigne toi...

May

PS: enfin si ça pouvait toucher George qui est un rat, ça arrangerait
beaucoup de monde je crois... faudrait faire un test sur lui...

Elle sourit. Sa soeur avait toujours le mot pour rire, même en cas de nouvelles alarmantes. Peut-être une bonne façon de se soigner, ces rires, tiens... faudrait qu'elle en parle à Mentaïg, à Ice...
Elle se promit de lui répondre, de lui donner des nouvelles. Comme ils avaient bien fait de partir, tous les deux...

Elle se dit qu'un bain lui ferait du bien, avant de se rendre à la Prévoté, au bureau de la douane.
Elle s'en fut donc dans la salle du cuvier, fit chauffer de l'eau, plaça un drap blanc dans le cuvier, versa l'eau.
Elle quitta ses vêtements et entra dans le cuvier. L'eau tiède lui fit du bien, l'apaisa.
Se lavant, elle vit, sur son aine droite... une rougeur, une inflammation, un bouton rouge et brillant et qui semblait plein de pus.
Elle blêmit... Elle était atteinte, c'était sûr... Elle était atteinte, elle était pestiférée.
Vite, elle sortit du cuvier, s'essuya, prit deux bouteilles de poire, s'en aspergea et frotta, frotta de toutes ses forces... sur tout son corps, elle frotta.
Elle vida le cuvier, laissa drap et serviette dans un coin, se promettant de les brûler.
Puis, par devoir, mais pleine de craintes, elle se rendit à la Prévôté.

Son rapport fini, elle se mit en devoir d'écrire à Aryan et à Saya. Il fallait qu'elles s'isolent, toutes les trois, pour éviter la contagion. Si du moins il s'avérait qu'elles aussi étaient atteintes...
A trois, elles se soutiendraient... elles se soigneraient, elle feraient face.

Plus qu'une soirée, une nuit, une courte nuit, et elle prendrait la route. Elle partirait à la fin de la nuit, avant que je jour ne se lève.
Rentrant de chez Armadeus, elle prépara son baluchon.
Baastet jouait dans le jardin, courant après des papillons, insouciante, heureuse. Ysabeau était soulagée, Armadeus à qui elle avait rendu visite dans sa nouvelle maison, s'occuperait un peu de la petite chatte.

Trois semaines, loin de Sancerre. Trois semaines, pour se reposer, réfléchir, voir d'autres horizons. Les moines ? peut-être, mais peut-être aussi se rendrait-elle à Baugy, chez son amie Mentaïg.

Elle passa dans l'échoppe, rangea soigneusement les pelotes de laine, les tissus, les peaux nouvellement tannées.
La bergerie était vide... Les deux derniers moutons étaient morts la nuit précédente. Elle attendrait son retour pour acquérir des agnelets...

Un pigeon toqua à la fenêtre. Elle ouvrit... et reconnut Flip Flap !
Souriante, elle lui donna quelques graines, de quoi se désaltérer, et détacha le message.

Citation :

Bonjour,

Merci à vous. Au delà de la trivialité d'une somme d'écu, je ne retiens que le geste, celui d'une pensée au delà des lieues.

Merci, sincèrement.

Bragon, toujours ami.

Bragon avait reçu son cadeau d'anniversaire. Elle était heureuse que malgré l'éloignement, il ait pris le temps de lui répondre. Toujours ami... oui, toujours ami. Finalement, pensait-elle, ce n'est pas amour qui rime avec toujours, c'est plutôt ami, amitié...

Trois semaines, au loin... Manquerait-elle ? Comment retrouverait-elle Sancerre à son retour ? Trois semaines, une éternité...

Il fallait bien rentrer... Ysabeau descendit de la colline, tenant son cheval par la bride. Elle passa la porte, salua les gardes... Un regard en arrière, vers Baugy où Mentaïg l'avait accueillie pendant ces longues semaines (hé oui, point de moines cette fois)

Elle entra dans le village. Peu de monde dans les ruelles.
Arrivée devant chez elle, elle ouvrit la porte. Baastet était là, fidèle, ronronnante... Arma s'était occupée d'elle, la petite chatte semblait en bonne santé.
Elle ouvrit la fenêtre, posa son baluchon. Sancerre...
Au marché, elle fit l'acquisition de huit agnelets nouveaux-nés qu'elle ramena dans la bergerie. Il fallait bien recommencer...
Puis elle se rendit au Havre : Ice était là... Des nouvelles... Ses pressentiments étaient justifiés. Bragon et May étaient repartis, allaient déménager. Elle ne les reverrait sans doute plus sur cette terre.
Un mot de Ice la troubla.

Citation :

"ne pas les suivre..."

. Elle n'y avait pas pensé, mais ce mot tourna dans sa tête toute la journée, une partie de la nuit. Ice lui annonça aussi qu'elle-même et Adelphe quitteraient Sancerre sous peu, accompagnées de Gallup... Gallup, ainsi il était sorti de prison ?
Gallup... pourquoi ?... et de nouveau, ce mot

Citation :

"ne pas nous suivre"

...Ne pas les suivre, les laisser vivre.
Elle se rendit à son échoppe, voulut travailler sur une ceinture pour elle... mais dans son trouble, fit un chapeau... Va comprendre...
Toute la nuit, les mots résonnaient dans sa tête.
Au matin, déjà lasse, elle prit un parchemin, griffona quelques mots... et puis jeta la lettre à peine commencée.
Elle comprenait.
C'était peut-être à cause d'elle qu'ils partaient, à cause de son regard sur eux. Elle était comme un caillou sur leur chemin, elle les empêchait d'avancer. Il fallait qu'elle s'efface, sans un mot.
Elle était comme un remords... Elle n'avait pas su, elle n'avait rien su.
Qu'ils soient heureux dans leur nouvelle vie... Elle se tairait. Elle ne leur demanderait plus rien. Qu'ils l'oublient, puisque c'était leur volonté.

Asta, Mentaïg, Die, Ary, Saya... ceux qui restaient... ils se serreraient les coudes.
Elle allait réaliser la commande de Saya, et puis ensuite, peut-être... un voyage avec Ary, et Jelu s'il le souhaitait. Asta préférait rester. Pour le Berry...
Voir du pays... retrouver peut-être d'autres amis... s'en faire de nouveaux... et puis...
Lentement, une larme coula sur sa joue. Elle ferma les yeux.
Si seulement... Mais non. Il ne fallait plus espérer.