17 Place de la Halle, Ysabeau, élégances sancerroises

L'air était doux, mais les nuages couvraient le ciel. Ysabeau ouvrit la fenêtre, regarda un instant le paysage, les champs, les arbres. La lumière était grise, un manteau de brume légère couvrait les champs. Les arbres perdaient doucement leurs dernières feuilles d'or... Un temps propice à la mélancolie. Elle revint dans la salle, prépara de quoi se sustenter pour la journée qui s'annonçait laborieuse. Ses pensées s'envolèrent vers l'hermitage...

J'aimerais, un jour, partager ce premier repas avec vous...

Elle chassa les pensées tristes, et se mit en route vers la Mairie, un emploi à trouver, les vagabonds à recenser...

Ysabeau ouvrit la fenêtre, un arbre attira son regard. Il lui fit penser à un autre arbre... Elle sourit et se mit à écrire

Citation :

Au matin
Soleil d'automne
Un arbre rouge feu
M'a parlé de vous

Puis elle écrivit la longue lettre qu'elle avait promise à Bragon la veille, appela son pigeon, lia le message à sa patte, et l'envoya la porter, à deux endroits différents, elle voulait être sûre que son ami la lirait... Enfin, elle se dirigea vers son échoppe où l'attendait une commande de la Mairie.

Un pigeon attendait à la fenêtre, un rouleau accroché à sa patte. Ysabeau le prit délicatement, détacha le rouleau, le déroula... l'écriture de Bragon. Son coeur se mit à battre plus vite. Elle lut et sourit doucement.

Merci mon ami. J'attendrai sans crainte que vous soyez plus disponible. J'ai confiance en vous, les nuages ne cachent plus notre étoile.

De retour de la messe, Ysabeau ouvrit la porte de sa maison. Elle devait réaliser un chapeau aujourd'hui. Avant de s'installer à son métier, elle écrivit quelques mots qui lui trottaient dans la tête depuis la veille

Citation :

Je me souviens
de nos caresses
Je me souviens
de nos baisers
Je me souviens
de vos mains dans mes cheveux
Je me souviens
de notre ivresse
Je me souviens
de vous
Je suis avec vous.

Ysabeau tenait précieusement le vieux parchemin taché de pleurs et de sang, le vieux parchemin qui contenait les mots du soldat pour sa belle, le dernier cadeau de Bragon. Elle le roula délicatement, et le posa dans le coffret qui contenait d'autres mots, d'autres rêves, d'autres enchantements, d'autres paroles ailées... Puis elle s'assit à sa table et se mit à écrire à son tour.

Vos cadeaux sont précieux, vos mots sont magiques, mon tendre amour. Votre malle est inépuisable, ses richesses inouïes. Que vous donner à mon tour ? Je pense à une très vieille lettre qu'on nous lit parfois le dimanche à l'église, une très vieille lettre qui parle encore aujourd'hui...
Si vous voulez, écoutez...

Citation :

L'amour est patient,
l'amour est serviable,
l'amour n'est pas envieux,
il ne se vante pas,
il ne se gonfle pas d'orgueil,
il ne fait rien de malhonnête,
il n'est pas intéressé,
il ne s'emporte pas,
il n'entretient pas de rancune,
il ne se réjouit pas
de voir l'autre dans son tort,
mais il se réjouit
avec celui qui a raison ;
il supporte tout,
il fait confiance en tout,
il espère tout, il endure tout.
L'amour ne passera jamais.

Elle déposa le parchemin sur la fenêtre, puis alla à son échoppe chercher un lien de cuir pour Lems

Ysabeau ouvrit sa fenêtre. Le chat était là, attendait...
Tsukiyo ! Je te reconnais, tu es le chat de Meian_Lo ! Comment va ton maître ? Que devient-il ? Entre, je vais te donner un peu de lait, tu dois être affamé après ce voyage...
Le chat sauta dans la maison, Ysabeau versa un peu de lait dans une assiette et la posa par terre. Tsukio lappa avec plaisir, puis se lécha soigneusement les moustaches.

Bragon était éreinté... Trop de travail...Pourtant la journée dans les champs d'Ysabeau fut une merveille. Chaque pas Bragon levait la tête et regardait Ysabeau travailler avec grâce. Tant de force dans une si belle créature. Bragon souriait, s'essuyait le front et se remettait à la tâche.

Parfois il sautait par dessus la barrière pour embrasser Ysabeau, qui paraissait surprise. Elle souriait doucement, laissant Bragon poser ses lèvres sur ses joues, son cou. Puis le vieux fou rebondissait de l'autre coté de la barrière criant "J'ai pas fini, j'y retourne...."

La journée était belle, encore douce pour la saison. Une splendide journée à passer au grand air, loin du brouhaha des tavernes, à regarder son amie travailler, à rêver à de langoureuses pauses, à parler, à penser à tout et à rien, à être ensemble pour ne serait-ce qu'un instant, qu'un moment, ensemble.

Tsukiyo alla retrouver Ysabeau sur le chemin de la mairie, il était tout mouillé, surement revenu d'une baignade. Il gratta la jambe gouche d'Ysabeau et poussa un parchemin avec ses pattes à ses pieds. Il tournait autour d'elle pendant qu'elle se baissait pour prendre le parchemin et le lire...

Citation :

Chère Yasabeau, je te parles ainsi qu'à tous les Sancerrois. J'ai bien des soucis. Je ne mange casiment jamais et travail dur tous les jours aux mines. Je sens mes muscles et mon corps s'alourdirent. C'est très difficile tu sais, mais Tsukiyo est toujours là pour réchauffer mon coeur. De temps en temps, il va voler pour moi des miches sur les étandages du marché.
N'ayant point d'endroit où dormir, on se loge au bord de la rivière.
J'éspères que vous vous allez au meilleur de votre forme et éspère aussi que Tsukiyo n'a pas trop abusé de vous, le chemin du retour est long.
Je vous salut ainsi qu'à Sancerre, A bientot!

Tsukiyo continuait à tournoyer comme ça, il jouait en fait à poursuivre un papillon de toutes couleurs...

Rentrant chez elle après une journée de semailles (oh joie, Bragon et elle avaient encore travaillé tout le jour ensemble !), Ysabeau lut le message de Meian Lo. Elle en fut touchée. Elle sécha Tsukiyo pour qu'il ne prenne pas froid, l'installa sur un coussin devant la cheminée. Il s'endormit presque aussitôt. Elle lui prépara un bol de lait, un reste de viande, et se mit en devoir de répondre

Citation :

Mon cher Meian_Lo, je suis bien triste pour toi. Dis-toi que l'épreuve que tu traverses n'aura qu'un temps. Certes il est fort difficile de trouver un emploi bien payé, j'espère quand même que tu ne vas pas mourir de faim... J'espère que tu pourras bientôt te racheter un champ. Je laisse Tsukiyo se reposer, ensuite je le chargerai de te remettre ce message. Je pense bien à toi, je ne doute pas de ton courage et de ta persévérance pour te sortir de ce mauvais pas. Quand cela ira mieux, n'hésite pas à nous rendre visite à Sancerre, nous serons ravis de t'accueillir...
Avec toute mon amitié, Ysabeau
PS dommage qu'il soit si petit, je lui aurais bien donné une miche ou deux pour toi...

un fin ramier vint se déposer sur le bord de la fenestre encore fleurie de dame ysa.

Citation :

ma chère amie,

j'ai bien reçu vostre cadeau. Cette attention me va droit au coeur comme à chaque fois. Mais il ne fallait et vous suit donc redevable d'une tournée de poire lors de vostre prochain voyage chez moi.
encore merci et au plaisir de vous accueillir dans ma demeure quand bon vous semble

lems

sur ce jour nouveau, lems sortit de sa taverne pour se dégourdir les jambes et se laisser gagner par les vibrations des rues de Sancerre. lems vint tocquer à la porte de dame ysabeau. Il espérait bien trouver la dame chez elle et peut estre aussi Bragon. Il venait surtout pour la rassurer sur sa santé.

Coucou, dame ysa, vous estes chez vous ?

Ysabeau ouvrit la porte
Bonjour Lems, heureuse de te voir. Comment vas-tu mon ami ?

Jade passait devant la maison d'Ysabeau et frappa à la porte !

bonsoir Ysabeau! je suis vraiment désolée d'avoir été embauchée à la place ton cher et tendre Bragon... mais je ne pouvais pas savoir...

tiens ! voici un tendre rôti que vous pourrez manger ensemble accompagné de quelques petits légumes....
à bientôt !

Merci Jade c'est très gentil à toi !

Ce matin-là Ysabeau se dirigea vers son échoppe. Elle avait le sourire aux lèvres, elle chantait. Car en ce jour elle devait travailler pour vêtir Bragon. Elle entra dans l'atelier, nettoya soigneusement le métier. Puis elle choisit les plus belles pelotes de laine, les plus fines et les plus moelleuses. Les fils tendus sur le métier, elle fit passer les fuseaux avec dextérité, le tissu avançait. Quand elle eut une pièce suffisante, elle la détacha du métier, puis tailla deux beaux morceaux aux mesures de Bragon, et se mit en devoir de les assembler solidement.
Quelle joie de travailler pour vous mon amour, c'est comme si nous étions ensemble à nouveau, comme si je vous caressais...

De bon matin, Ysabeau se rendit à la Mairie consulter les offres d'emploi. Elle savait que Bragon devait labourer, et elle espérait secrètement qu'ils pourraient ainsi passer une journée laborieuse ensemble, laborieuse mais douce... Elle postula donc, pria Aristote pour être embauchée... Hélas, Jade passa devant elle.
Un peu déçue, elle se rendit à son échoppe. Bragon lui avait commandé une chemise. Elle décida de la fabriquer, ce serait une façon un peu différente, mais tout aussi douce, de penser à son amour. Elle choisit à nouveau les plus belles pelotes (merci Manu pour la qualité de cette matière première), fixa les fils de trame sur le métier et commença le tissage.

Malgré les aléas, nous sommes ainsi ensemble, je pense à vous, je vois vois...